Des voix toujours plus nombreuses dénoncent l’absence d’accords de réadmission avec les pays africains. Sans eux, pas de renvois.
En Suisse, des milliers de requérants déboutés et de délinquants étrangers ne peuvent être renvoyés chez eux, faute d’accords avec leurs pays d’origine. Le thème est brûlant et constitue un véritable casse-tête pour les autorités en charge de la police et l’asile.
A Genève, par exemple, la police recense environ 200 jeunes Maghrébins en situation irrégulière. En l’absence d’accords de réadmission, ils sont pratiquement inexpulsables.
«La Confédération doit prendre le problème à bras-le-corps. Cette situation pourrit littéralement la vie de la population», lance Olivier Jornot, président du groupe PLR au Grand Conseil genevois. Le procureur général Daniel Zappelli dénonçait, il y a quelques jours, ce manque d’accords avec les pays d’où sont originaires les délinquants dans nos colonnes (lire «Le Matin» du 25 août), et la signature de partenariats migratoires sera au menu des discussions entre Micheline Calmy-Rey et les autorités du canton.
Le problème no 1
Aux yeux du droit international, chaque pays est censé accueillir ses ressortissants. Mais, en l’absence de traités bilatéraux, qui règlent les modalités de ces rapatriements, certains rechignent à le faire.
Genève n’est pas la seule à tirer la sonnette d’alarme. L’inquiétude est partagée par la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP). «L’absence d’accords de réadmission, notamment avec les pays d’Afrique, est le principal problème de notre politique d’asile» , souligne Philippe Leuba, conseiller d’Etat vaudois en charge du Département de l’intérieur. Dans son canton, 50% au moins des requérants déboutés ne peuvent être renvoyés dans leur pays faute de traités migratoires.
Pour le magistrat, la balle est dans le camp des autorités fédérales: «Il n’est plus admissible que le gouvernement n’ait pas de stratégie en la matière. On ne peut pas continuer comme ça. Le Conseil fédéral refuse d’empoigner le problème et met les cantons dans des situations intenables.» Philippe Leuba demande un engagement collectif des conseillers fédéraux.
Une stratégie globale pourrait par exemple conditionner l’octroi de l’aide au développement à la signature d’accords migratoires. «Ça devrait être du donnant-donnant», plaide Philippe Leuba.
La Suisse est championne
Du côté du Département fédéral de justice et police (DFJP), en charge du dossier migratoire, on ne veut pas entendre parler de chantage à l’aide au développement. «L’efficacité d’une telle action est largement surestimée, rappelle Agnès Schenker, porte-parole du DFJP. D’une manière générale, la conditionnalité négative visant à imposer par la contrainte le respect de certaines exigences dessert les relations extérieures comme les intérêts de la Suisse.»
Avec 47 accords de réadmission, la Suisse est un des pays du monde ayant conclu le plus grand nombre de traités dans ce domaine, souligne-t-on au Département. Seuls six concernent des pays africains. Est-ce suffisant?
«Nous essayons d’étoffer la palette, notamment avec l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, explique Michel Jeanneret, conseiller juridique et spécialiste des accords avec l’Afrique à l’Office fédéral des migrations (ODM). C’est même une de nos priorités.»
L’office devrait entrer en négociation avant la fin de l’année avec un pays d’Afrique australe. «Nous avons envoyé une première proposition d’accord et attendons une réponse, confie Michel Jeanneret. Et puis nous suivons de près la situation en Tunisie. Des rencontres d’experts ont déjà eu lieu.»
Reste que, de l’aveu même du spécialiste, ces négociations prennent du temps. «C’est un processus long et difficile, et nous ne sommes pas toujours accueillis à bras ouverts, relève Michel Jeanneret. Si un partenaire ne veut pas négocier, nous ne pouvons rien faire. La migration est un des rares moyens de pression qu’a l’Afrique sur l’Europe.»
Accord au point mort
Ce genre de blocage, la Suisse en connaît avec l’Algérie. Les deux pays ont signé un accord de réadmission en 2006. Mais, dans les faits, le traité ne sert à rien. Alger tarde en effet à signer le protocole d’application. Sans lui, impossible d’effectuer un renvoi. Berne s’est-elle fait rouler dans la farine? «Les autorités suisses réitèrent constamment leur souhait de voir le protocole d’application signé, assure Agnès Schenker. La question migratoire est toujours à l’ordre du jour des relations bilatérales entre nos deux pays.»
Cette absence de renvois vers l’Algérie est connue des délinquants étrangers actifs à Genève. Selon la police, certains prétendent même être Algériens dans le but d’échapper à l’ex pulsion du territoire suisse.
Simon Koch dans le Matin
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