Alors que le président du Parlement européen est en visite en Suisse, la question de la libre circulation pèse sur les relations bilatérales.
Même si la Suisse n’a aucune intention de remettre les gardes-frontière aux postes de douane et d’en revenir aux contrôles systématiques exigés par l’UDC, elle ne va pas non plus céder aux demandes de l’UE pour élargir les droits et le statut des ressortissants européens établis en Suisse. Ce n’est vraiment pas le moment, alors que les effets négatifs de la libre circulation sont âprement débattus à la veille des élections fédérales.
C’est dans ce contexte que, la semaine prochaine, un comité mixte Suisse-UE doit examiner l’application de l’accord de libre circulation.
Si l’adaptation des annexes de l’accord à l’évolution de l’UE en matière de reconnaissance des diplômes ou d’assurances sociales ne pose guère de problème, il en ira autrement pour la demande régulière de l’UE de reprendre la directive européenne sur la citoyenneté. Celle-ci améliore le droit des citoyens de l’UE dans l’espace des 27 en simplifiant les conditions et formalités pour s’installer, avec un droit de séjour permanent, même sans permis de travail, le droit au regroupement familial, voire le droit de vote local, etc.
On peut prévoir que la réponse du Conseil fédéral sera un refus très diplomatique d’entrée en matière. «Il n’existe aucune obligation de reprise de cette directive», a martelé plusieurs fois déjà le gouvernement.
Coïncidence, le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, sera en visite ce jeudi après-midi à Berne, alors que le matin même le Conseil national aura tenu une session spéciale sur la politique européenne réclamée par l’UDC (lire ci-dessous). Avec, au cœur du débat, une motion exigeant le retour du contrôle systématique aux frontières.
A l’origine, l’UDC voulait profiter de l’occasion pour accuser le Conseil fédéral d’être prêt à abandonner la souveraineté suisse avec l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations bilatérales, touchant notamment à la reprise du droit européen par la Suisse. Mais la session arrive un peu tard. La question a perdu de son actualité.
Par contre, Jerzy Buzek aura l’occasion de constater à quel point, ces derniers mois, l’atmosphère s’est refroidie. On peut le mesurer facilement à l’évolution des thèmes de la cinquantaine d’interventions traitées ce jeudi. Celles qui datent de 2009 parlent encore de participation de la Suisse aux programmes européens de santé ou de la culture, de l’accès aux marchés financiers. Mais en 2011, les députés s’inquiètent du libre-échange agricole, des effets négatifs pour les consommateurs du principe du Cassis de Dijon, de l’effondrement de l’euro, de la perte de maîtrise de la politique des visas.
L’UDC exige de son côté de renégocier les accords d’association à Schengen et de réinstaurer un contrôle systématique aux frontières. Elle justifie sa motion par les entrées illégales et l’augmentation de la criminalité dans les régions frontalières. Et surtout, selon elle, «les flux de requérants d’asile nord-africains qui s’annoncent constituent une menace de l’ordre public et de la sécurité intérieure propre à justifier» l’application de mesures d’exception. Même si les craintes ne sont toujours pas réalisées.
Ce sont d’abord les conséquences, réelles ou supposées, de la libre circulation des personnes sur les marchés du logement et du travail, le dumping salarial, qui motivent les interventions parlementaires, notamment à gauche. L’UDC, de son côté, a annoncé le lancement d’une initiative pour freiner l’immigration, avec pour conséquence une dénonciation de l’accord sur la libre circulation.
Ce climat réfrigéré n’a pourtant pas affecté les relations au niveau des experts et des diplomates entre Berne et Bruxelles. Ces critiques ne devraient pas peser sur le prochain comité mixte, composé de hauts fonctionnaires, qui se réunira mardi pour un échange de vues sur l’application de l’accord de libre circulation entre Suisse et UE. «Les Européens avec lesquels nous discutons nous connaissent bien. Ils savent que nous sommes en année électorale; ils connaissent nos agendas, y compris le temps nécessaire entre le lancement d’une initiative et la votation populaire», veulent rassurer les experts suisses.
D’ailleurs, confirme-t-on à Bruxelles, la critique n’est pas qu’helvétique. Le climat en Europe, en Finlande, aux Pays-Bas, en Hongrie, au Danemark, est aussi au repli et à la remise en cause de Schengen et de la libre circulation.
Yves Petignat dans le Temps
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