vendredi 25 mars 2011

Un roman sur le destin couleur charbon des émigrés clandestins

le bunkerSi l'atroce vécu des émigrés clandestins où qu'ils soient devait être désigné par  une couleur, ça sera couleur charbon.  Et c'est presque général. Un roman l'illustre de façon absolument forte :  "Le Bunker ou le Requérant d'asile en Suisse" du journaliste Djamel Ferhi, qui signe ici son tout premier ouvrage littéraire. 

L'auteur aborde le quotidien des émigrés clandestins en Europe à travers des personnages en quête de vie digne mais que l'infortune a plongés dans un tourbillon de contraintes. Même si les noms des personnages sont fictifs, le livre, paru récemment aux éditions Chihab, restitue une histoire vécue, résumée dans les mésaventures du jeune essayiste Nazim Gaya qui a passé en 2004 quarante cinq jours en Suisse et surtout vécu une grande histoire d'amour avec Michèle Marchand avec qui il renoue cinq ans après son retour en Algérie, grâce à un échange de mails.

Dans un style narratif, le roman raconte le séjour suisse de Nazim en tant que "requérant" (ce mot désigne toute personne étrangère cherchant à s'établir en Suisse), alors qu'il consacrait la majeure partie de son temps à finir son essai dans les "bunkers", une sorte de "refuge" pour requérants, ainsi appelés parce que situés en retrait de la ville, nous dit l'auteur. Un croisement entre les moments passés dans et à l'extérieur des "bunkers" en 2004 et les "disputes virtuelles" échangées avec Michèle en 2009, place le lecteur dans un va-et-vient d'états d'âmes, ceux de Nazim, pris entre deux sentiments contradictoires et pour qui la Suisse n'a jamais représenté un Eldorado, mais juste une expérience. Peut-être une alternative. Ballotté entre les bunkers de Vallorbe, Kreuzlingen, d'Aarau de Obermumpf, Nazim, tout en se consacrant à son essai (le commentaire très critique des écrits d'un homme politique pendant le "Printemps noir"), trouve le temps de s'intéresser aux bunkers, un univers quasi-carcéral par lequel les pensionnaires, de différentes nationalités, transitent. Deux d'entre eux, Rachid, originaire de Chlef, et l'Algérois Nounou, deviennent ses amis intimes. Inséparables, ils partagent peines et joies, même si ces dernières sont plutôt rares. Leurs aventures "amoureuses" sont racontées par le menu pour montrer le peu d'intérêt, voire l'indifférence, des trois compères, pris dans le paradoxe de la "belle vie" et du manque d'argent, à l'égard des sentiments et de leurs compagnes suisses.

Le petit pécule hebdomadaire, appelé par les requérants la "sainte-touche", pousse Rachid et Nounou à recourir à des petits larcins pour survivre. Ce qui déplaît fortement à Nazim et achève de le décevoir, surtout qu'il apprend que l'un de ses amis s'adonne à la drogue... "Dans ce livre, j'ai rapporté ce que Nazim et ses amis ont vécu réellement dans les bunkers suisses. J'espère que n'importe quel requérant se reconnaîtra en lisant mon roman, à travers lequel j'ai essayé de relater les conditions des émigrés clandestins", a confié l'auteur lors d'une rencontre avec la presse, organisée par son éditeur. Djamel Ferhi, pour qui l'écriture représente une passion et une sorte de thérapie, a constaté que l'ensemble des émigrés clandestins ne trouvent pas dans l'émigration la solution aux problèmes qu'ils affrontent dans leurs pays. "Les émigrés clandestins ne sont pas aimés dans les pays d'accueil. C'est une vérité. Ils doivent parvenir à (re)trouver l'estime de soi", pense cet auteur qui semble lui même être revenu du "mirage suisse". Leçon à méditer même s'il n'ya pas d'alternative pour ces  chercheurs de l'Eldorado.

Le Maghreb

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