Premier examen à l’Assemblée du projet de loi sur l’immigration. Un texte durci cet été, en pleine polémique sur les Roms.
Manifestation de sans-papiers le 17 avril 2010 à Paris. (© AFP Fred Dufour)
Les associations y voient «une atteinte inégalée aux droits des étrangers». Cet après-midi débute l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. A l’origine, ce texte visait à transcrire, en droit français, plusieurs directives européennes. L’une d’elles dite «directive retour», a suscité la polémique car elle ouvre «la possibilité» d’assortir une décision d’expulsion d’«une interdiction de retour» sur le territoire européen. Les associations parlent de «bannissement».
Au-delà, le gouvernement a apporté une série d’amendements restreignant encore les droits des migrants. Le débarquement, en janvier, de 123 clandestins kurdes syriens sur une plage corse, a donné à Eric Besson l’occasion de satisfaire une ancienne demande de Nicolas Sarkozy. A plusieurs reprises, le chef de l’Etat avait souhaité une fusion des juridictions administrative et judiciaire, au détriment de la seconde, jugée trop libérale, devant lesquelles comparaissent les étrangers en situation irrégulière. Les Kurdes ayant été remis en liberté après avoir été placés en rétention, ce qui leur a permis d’échapper à l’expulsion, le ministre de l’Immigration a décidé de sévir en réduisant le pouvoir du juge judiciaire (lire ci-contre).
«Surenchères». D’autres articles, comme celui sur la déchéance de la nationalité, ou les entraves à la libre circulation des Roms, sont la traduction du discours prononcé par Nicolas Sarkozy, le 30 juillet, à Grenoble. Résultat, de 86 articles lors de sa présentation en Conseil des ministres, le 31 mars, le projet de loi en compte 107 aujourd’hui.
A l’Assemblée nationale, le gouvernement devrait rassembler une majorité pour voter ce texte. Sur les 314 députés du groupe UMP, il ne s’en trouvera sans doute que quelques dizaines pour contester ouvertement la copie d’Eric Besson. La fin du quinquennat approche, et avec elle l’angoissante question de la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. Les députés de droite vont donc serrer les rangs même s’ils sont «nombreux», comme le confiait hier l’un d’eux à Libération, à être «mal à l’aise avec les surenchères de certains ministres». Les plus téméraires devraient se faire entendre, ce matin, à l’occasion de leur réunion hebdomadaire à huis clos. Mais l’exécutif peut compter sur le président du groupe UMP, Jean-François Copé - supporteur inconditionnel du discours de Grenoble et de ses déclinaisons législatives -, pour canaliser cette opposition marginale.
Outre une poignée de villepinistes, la loi Besson n’est contestée, chez les députés UMP, que par Nicole Ameline, Etienne Pinte et Lionel Tardy. La première, en désaccord avec les dispositions sur la déchéance de la nationalité, menace de ne pas voter ce texte qui «fait une place trop large à la répression». «J’appartiens à une famille humaniste et il faut que nous ayons une démarche équilibrée», a-t-elle déclaré jeudi lors des journées parlementaires de Biarritz. Etienne Pinte pousse à l’extrême l’opposition de la droite sociale et catholique : en découvrant cet été les images d’expulsions, il dit avoir pensé au «Vel d’Hiv». «Ils n’étaient pas déportés vers la mort, seulement vers leurs misères.» Lionel Tardy fonde son opposition sur le «risque d’inconstitutionnalité» qui justifie, selon lui, les amendements de suppression sur une dizaine d’articles. L’Assemblée nationale devrait balayer tout cela.
Contestation. La loi Besson devra ensuite être débattue au Sénat, où la contestation au sein de la droite est beaucoup plus puissante. A l’image de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, on s’inquiète, dans la Haute assemblée, de la «droitisation» de la majorité. Concernant la loi sur l’immigration, le sénateur Jean-René Lecerf, vice-président de la commission des lois, prévient qu’il ne laissera pas passer «ce qui relève de l’affichage». Il aura fort à faire.
Alain Auffray et Catherine Coroller dans Libération
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