La torpeur estivale reste propice aux mesures impopulaires et brutales. Brice Hortefeux a promis l’expulsion de 300 camps de gens du voyage en trois mois. Un article de Charline Vanhoenacker, Paris, dans le Temps.
Il ne se passe plus un jour sans que des camps de gens du voyage ne soient expulsés des terrains qu’ils occupent illégalement: plus de 40 évacuations ont été menées depuis deux semaines. Vendredi, le démantèlement du jour s’est produit dans la confusion: un millier de personnes étaient installées depuis le 1er août sur le stade d’Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques. Une compagnie de CRS, débarquée à 9 heures, a d’abord essuyé des altercations avec les gens du voyage, tandis qu’un hélicoptère survolait le camp. Un cordon d’occupants a brandi une banderole «Association de la vie du voyage», dont le porte-parole a expliqué: «Nous ne sommes pas des Roms, nous sommes des Français, des citoyens de ce pays.»
Le maire d’Anglet avait déclenché une procédure pour déloger les indésirables. Mais, vendredi soir, l’évacuation n’avait toujours pas eu lieu car, selon le porte-parole de cette association, «toutes les caravanes quitteront les lieux si une nouvelle décision de justice confirme l’évacuation». Elle a saisi le tribunal pour reporter le départ.
Depuis que Nicolas Sarkozy a convoqué une réunion, fin juillet, sur les «problèmes» posés par «les Roms et les gens du voyage», son bras droit armé, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a promis l’expulsion de 300 camps en trois mois. La cadence est tenue: 700 Roms attendent déjà d’être reconduits vers la Roumanie et la Bulgarie.
Critique de l’ONU
Ces événements sont loin de faire les gros titres des médias de masse. Mais la tension ne serait pas loin de monter si nous n’étions au cœur de la torpeur estivale. A l’instar des expulsions locatives, plus discrètes l’été – les voisins en vacances et une mobilisation impossible –, les CRS délogent les gens du voyage sans trop de bruit. Toutefois, l’expulsion de vendredi matin, plus massive et plus tendue, attire davantage l’attention des médias.
L’été permet de faire passer des mesures impopulaires sans trop d’encombres: en juillet 2008, le gouvernement annonçait la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires, et la réforme des institutions qui donnait davantage de pouvoir au président était votée. L’été dernier, la controversée loi Hadopi sur le téléchargement illégal aurait dû être votée, si pléthore d’amendements n’avaient reporté l’échéance.
L’expulsion de vendredi intervient au moment où la majorité réagit aux critiques de l’ONU, et de son Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), qui a pointé jeudi le «manque de volonté politique» face à une «recrudescence» des actes racistes en France. Vendredi, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a dénoncé un «montage pur et simple», et le porte-parole adjoint de l’UMP a critiqué les 18 experts issus de pays «qui ne respectent absolument pas les droits de l’homme».
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