Les migrations sont tout simplement une des façons dont les peuples évoluent. Editorial signé Sylvie Arsever dans le Temps.
Les pays développés, souligne l’OCDE dans un rapport publié mardi, ont trop limité l’immigration. Pour leur santé économique et démographique, ils gagneraient à se montrer plus souples et surtout à augmenter les efforts visant à garder les migrants qui ont trouvé à s’insérer dans l’économie: intégration, naturalisation – et garantie d’une protection égale en période de crise. Ce programme dicté par le bon sens est aussi de nature, à terme, à désamorcer les angoisses identitaires sur lesquelles surfent aussi bien les mouvements xénophobes que les intégrismes religieux en tout genre. Mais il est douteux qu’il soit suivi: pratiquement tous les partis européens se retrouvent aujourd’hui otages de mouvements populistes qui font un barrage très efficace à toute mesure favorisant l’accueil des migrants.
L’histoire des migrations – dont Le Temps a feuilleté quelques pages la semaine écoulée – est faite de craintes semblables, nées à une époque où on migrait le plus souvent les armes à la main. Les invasions barbares, sur le modèle desquelles ont aussi été imaginées les migrations préhistoriques, les exodes forcés pour cause de religion ou, avec les traites négrières, d’exploitation économique, nous ont laissé des souvenirs sanglants et parfois coupables qui ont jeté une ombre angoissante sur les migrations économiques de grande ampleur commencées au XIXe siècle avec le développement des transports.
Mais cette histoire est aussi porteuse de quelques vérités rassurantes: les rencontres entre peuples que favorisent les migrations, même conquérantes, ne sont pas faites que de chocs des civilisations et, a posteriori, il est souvent difficile d’y discerner un vainqueur et un vaincu. Les valeurs dont nous craignons la perte au contact des nouveaux migrants extra-européens sont elles-mêmes le produit de métissages culturels dont nous avons parfois perdu jusqu’au souvenir. Finalement, les migrations sont tout simplement une des façons dont les peuples évoluent. Et la question est peut-être de savoir si la vieille Europe a encore le désir d’évoluer.
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