Le ministère public zurichois a publié les conclusions du rapport d’autopsie. Ligoté, le Nigérian est mort d’un arrêt cardiaque. Amnesty International met en avant le stress de l’expulsion et demande la présence d’observateurs indépendants. Un article de Catherine Cossy dans le Temps.
La mort du Nigérian de 29 ans décédé lors de son expulsion forcée le 17 mars à l’aéroport de Zurich est due en partie à des causes naturelles. L’homme souffrait d’une grave maladie du cœur qu’il n’était pratiquement pas possible de détecter de son vivant, écrit lundi le ministère public zurichois, se basant sur le rapport d’autopsie. La mort a été causée par une déficience cardiaque, à mettre en lien avec la grève de la faim que le détenu avait commencée quelques jours auparavant et à un «état d’agitation intense», écrit encore le ministère public. Le rapport d’autopsie a été transmis à la famille pour qu’elle puisse prendre position. Le ministère public décidera ensuite s’il veut ouvrir une enquête pénale.
Le Nigérian, un requérant d’asile débouté, se trouvait en détention en vue de son renvoi dans la prison de l’aéroport de Zurich. Il avait été ligoté aux pieds et aux mains, avant que son état n’empire rapidement. Il faisait partie d’un groupe de seize hommes qui devaient être rapatriés de force à Lagos, au Nigeria, par un vol spécial affrété par la Confédération. Le directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM) Alard du Bois-Reymond, assistait à cette opération. Il avait tout de suite ordonné la suspension des vols de renvoi tant que l’enquête était en cours. L’ODM a également annoncé en mai que désormais, une équipe médicale, médecin et ambulancier, serait présente lors de la préparation de chaque vol spécial pour l’encadrement médical des personnes à renvoyer.
Les conclusions du rapport d’autopsie ne rassurent pas Amnesty International. «La prédisposition cardiaque est un élément, mais le stress en est un autre», déclare Denise Graf, experte sur le travail de la police auprès de l’organisation de défense des droits humains. «J’ai entendu, séparément, deux hommes qui devaient aussi être renvoyés en mars dernier. Leurs témoignages concordent. L’un d’eux a vomi quatre fois, parce que ses liens, notamment sur le ventre, étaient trop serrés. Il avait peur d’étouffer. Ce sont même des policiers vaudois qui l’accompagnaient qui ont pris sur eux de desserrer ses entraves», continue Denise Graf. Amnesty International demande que les autorités privilégient le dialogue afin d’éviter les renvois forcés. Et qu’elles utilisent des méthodes de désescalade de la violence. L’ONG plaide aussi pour la présence d’observateurs indépendants.
Premier vol en juillet
Lors d’interviews données dans la presse alémanique peu après le drame, Alard du Bois-Reymond avait déclaré que si les causes de la mort du Nigérian n’étaient pas dues aux mesures de contrainte, les vols reprendraient immédiatement. Lundi, l’ODM restait flou sur la reprise des expulsions forcées. «Il s’agit seulement du rapport d’autopsie, le ministère public zurichois n’a pas encore livré ses conclusions définitives», déclare Michael Glauser, porte-parole de l’ODM. Qui annonce toutefois: «Un premier vol aura lieu dans le courant du mois de juillet en direction de l’Afrique.» Seule précision: l’avion n’atterrira pas au Nigeria. Le directeur de l’ODM a l’intention de se rendre en juillet encore dans ce pays, pour y rencontrer la famille du requérant décédé ainsi que les autorités. Après un premier cas en 2001, en Valais, c’est le deuxième ressortissant nigérian qui meurt lors d’une expulsion. Les relations avec le Nigeria sont également tendues après qu’Alard du Bois-Reymond a déclaré que la plupart des demandeurs d’asile en provenance de ce pays étaient des trafiquants de drogue.
L’ODM est doublement sous pression. Certains cantons alémaniques aimeraient que les expulsions reprennent le plus vite possible. Vaud et Genève en revanche se sont décidés à remettre en liberté certaines personnes détenues en vue de leur renvoi. Début juin, le Tribunal fédéral a donné raison à un ressortissant du Bangladesh qui s’opposait à la prolongation de sa détention. Tant que l’ODM ne se montre pas plus précis sur la reprise des vols d’expulsion, les renvois ne sont matériellement pas possibles, a argumenté le TF. Le canton de Genève, concerné, a préféré remettre en liberté le requérant débouté .
Sur le même sujet, cet extrait du journal télévisé de la TSR
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