Depuis trois ans, on croyait avoir compris la politique du président de la République et du gouvernement en matière d'immigration : fermeté inflexible contre les clandestins et leurs passeurs, l'"immigration subie" ; approche pragmatique et ciblée des travailleurs étrangers dont l'économie française peut avoir besoin, l'"immigration choisie". Editorial du Monde.
Aujourd'hui, on ne comprend plus. En octobre 2009, un mouvement de grève des salariés sans papiers a démarré ; il touche 6 260 travailleurs employés dans quelque 2 200 entreprises. Que fait le gouvernement ? Il mène une politique de Gribouille, injuste et incohérente.
En théorie, la situation est simple depuis la loi du 20 novembre 2007 et la circulaire d'Eric Besson en date du 24 novembre 2009. Le gouvernement a accordé aux préfectures un "pouvoir discrétionnaire" en matière d'admission exceptionnelle en France d'étrangers, dès lors qu'ils ont un travail déclaré et les qualifications requises pour travailler dans un secteur où les difficultés de recrutement sont patentes.
Or la majorité des 400 000 sans-papiers présents en France ont un emploi salarié. Déclarés sous une fausse identité, ils paient des impôts et des cotisations sociales. Autant dire qu'ils contribuent à la richesse nationale. Mais c'est comme s'ils n'existaient pas, puisqu'ils sont toujours en situation irrégulière.
Le seul souci du ministre de l'immigration, qui a présenté au conseil des ministres du 31 mars un nouveau projet de loi, est de faire évacuer les sans-papiers qui occupent illégalement des locaux publics ou privés. La loi de 2007 prévoit de régulariser au cas par cas ceux qui peuvent produire des certificats d'employeurs montrant qu'ils sont salariés depuis au moins un. Mais M. Besson refuse une régularisation qui reviendrait à "encourager les filières clandestines à poursuivre leur triste et sordide commerce".
En réalité, c'est la politique de l'immigration qui devient "triste et sordide". Les sans-papiers n'osent pas demander leur régularisation sous peine d'être expulsés. Les entreprises hésitent à fournir des certificats de crainte d'être sanctionnées pour emploi d'étrangers sans titre de séjour, avec, à la clé, une menace de fermeture administrative.
Pour sortir de l'impasse, une initiative aussi louable qu'inédite a été prise par des acteurs sociaux qui, généralement, s'opposent. Le 8 mars, la CGT, la CFDT, l'UNSA, Solidaires, mais aussi la CGPME, le Syndicat national des activités du déchet, Veolia Propreté, le mouvement patronal Ethic, rejoint par Entreprise et Progrès, ont défini "une approche commune entre employeurs et organisations syndicales". Ils plaident pour une régularisation sur des "critères objectifs". Donc pour régulariser ceux qui s'acquittent "de leurs cotisations et impôts, de même que leurs employeurs".
Pour sortir de l'incohérence qui le conduit à privilégier la répression de l'immigration clandestine sur une politique assumée d'immigration de travail, le gouvernement doit accepter le dialogue et agir avec équité.
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