En novembre dernier, il était le premier mineur non accompagné expulsé du canton en vertu du protocole de Dublin. Depuis, le jeune Somalien traîne dans Rome. Un article d’Ariel F. Dumont, Rome, pour 24 Heures.
Rencontré à Rome, il y a quatre mois, juste après son expulsion, Abdirashid Ali nous confiait son rêve: revenir en Suisse, étudier pour se construire un avenir. «Quand je serai grand», disait le jeune Somalien qui a fêté ses 18 ans en janvier. «Quand je serai grand, j’aimerais travailler dans les communications, devenir quelqu’un et avoir la chance que la vie m’a refusée jusqu’à présent.» Tout cela semble aujourd’hui bien loin derrière lui.
Hébergé au départ pendant quelques jours dans un centre d’accueil tenu par des Jésuites, Abdirashid Ali a dû rapidement changer d’adresse. «Un monsieur m’a dit que je ne pouvais pas rester dans cette maison, que je devais faire une demande et attendre six mois avant d’avoir une réponse peut-être positive, raconte le jeune Somalien. Je lui ai demandé: et moi, je dors où entre-temps?»
Nulle part où aller
Les prêtres lui ont trouvé un autre centre d’accueil situé dans un quartier cossu sur la colline de San Saba, derrière la FAO, l’organisation onusienne pour la faim et l’agriculture dans le monde. Mais dans deux mois, Abdirashid Ali devra refaire son baluchon. Pour aller où? Probablement à la case départ. Il squattera à nouveau l’ancienne ambassade de Somalie abandonnée depuis la guerre où il avait passé quelques nuits en novembre dernier.
En attendant, Abdirashid laisse passer le temps et apprend l’italien. Quelques heures de cours chaque matin organisés par les prêtres, puis, direction les réfectoires des associations catholiques pour grappiller un déjeuner. L’après-midi, il cherche du travail. «J’ai été dans plusieurs agences, mais c’est toujours le même refrain, on vous rappellera.» Le jeune Somalien est désabusé. Sa carte de séjour expire l’an prochain et ne lui a été d’aucune utilité pour trouver le petit boulot qui lui permettrait de gagner un brin d’indépendance et de retrouver un peu de dignité. Le soir, il revient au dortoir et monte dans la chambre qu’il partage avec huit autres personnes en détresse.
Depuis quatre mois, Abdirashid se pose toujours la même question. Que faire? Repartir en Somalie? «Oui, c’est mon pays, il y a ma famille, ma maison, mais là-bas, on tue.» Abdirashid passe lentement la main sur sa gorge, imitant le geste de l’égorgeur. Rester en Italie? La réponse claque comme un coup de vent glacial: «Ici, les gens comme moi n’ont aucun avenir, on ne veut pas de nous.» Aller ailleurs en Europe? Impossible, sa carte de séjour lui permet seulement de s’offrir des vacances qu’il ne peut pas se payer.
«Ma vie ressemble à une impasse infinie», soupire Abdirashid. Après avoir espéré que la Suisse le reprendrait, il a compris que cette idée fait partie de ses rêves d’il y a quatre mois. Et quand on lui demande à quoi ressemble son futur proche, il répond: «Je ne sais pas.»
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