samedi 20 mars 2010

Genève défendra le droit à l’apprentissage des sans-papiers

Le Conseil d'Etat demandera aux Chambres fédérales de légiférer pour que l'apprentissage dual soit ouvert aux clandestins. Un article de Philippe Bach dans le Courrier.
Une petite percée pour le droit à l'éducation et à la formation des jeunes sans papiers. Ceux-ci ont accès à Genève à l'école obligatoire et post-obligatoire depuis la seconde moitié des années 1980. Ils peuvent également accéder aux filières d'apprentissage en école. En revanche, l'apprentissage dual – en entreprise – leur est interdit. Comme il s'agit de contrat de travail, le droit fédéral proscrit l'engagement de jeunes clandestins. Depuis quelques mois, le dossier est sous les feux de l'actualité, notamment fédérale. Les municipalités lausannoise et genevoise ont dit qu'elles étaient prêtes à engager des apprentis sans papiers.
Cadre légal
Hier soir, le Grand Conseil genevois était saisi de trois textes relatifs à cette problématique: une motion démocrate-chrétienne, qui imaginait de contourner la loi via un dispositif de chèque apprentissage; une pétition – lancée par la Marche mondiale des enfants – demandant le respect de la Convention internationale des droits des enfants et proposant la création de places d'apprentissage à l'Etat ou dans le secteur privé ouvert à ces jeunes; et enfin, un projet de résolution allant des libéraux aux socialistes à l'attention des Chambres fédérales et invitant celles-ci à créer les bases législatives permettant aux jeunes sans statut légal d'accéder à ces filières.
A l'arrivée, c'est uniquement cette dernière option, la plus timide, qui a été retenue par les députés. La pétition a été classée et la motion refusée.
Explication: seule la résolution respecte aux yeux des députés – et du magistrat en charge du DIP Charles Beer – le strict cadre de la légalité. Même si une autre lecture reste possible, selon Jean Blanchard, coordinateur de la Marche mondiale des enfants.
Quelques envolées de l'extrême droite
Ce dernier, présent hier dans la tribune réservée au public, relève qu'il s'agit d'une question d'interprétation juridique. «Nous avons toujours estimé que le droit supérieur prime, en l'occurrence que la Convention internationale des droits des enfants, signée par la Suisse et qui postule que les jeunes ont droit à une formation, s'applique.» Et pour lui, la formation duale fait partie de la formation de base et est couverte par le champ d'application de la convention. «Il serait intéressant de porter l'affaire à la Cour européenne des droits de l'homme.» Mais, pour l'heure, les milieux de défense des migrants n'ont pas un avis de droit dûment établi pour asseoir cette position. «Ces questions sont souvent un problème d'interprétation, vous avez des cantons comme Berne qui n'ont intégré les enfants sans papiers dans le cursus ordinaire que depuis la dernière rentrée.» Reste que le vote d'hier le satisfait. «L'essentiel était que la résolution passe pour appuyer nos efforts aux Chambres où la question est discutée.»
Les débats avaient été soigneusement corsetés par le bureau du Grand Conseil et le temps de parole plus que minuté. Ils n'ont donc guère eu l'occasion de déraper, même si l'extrême droite a tenté quelques envolées en opposant apprentis suisses et étrangers, ces derniers étant accusés de venir piquer les places d'apprentissage aux braves Suisses, selon le député udéciste Antoine Bertschy.

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