vendredi 4 septembre 2009

Demandes d'asile à l'aéroport: la vie en zone de transit

OLIVIER CHAVAZ

GenèveREPORTAGE - Entre galerie marchande de luxe et terrasse grillagée, des requérants d'asile peuvent attendre jusqu'à deux mois que la Suisse statue sur leur sort. Visite des locaux.
«Il est interdit de s'entretenir avec les requérants d'asile afin de respecter leur sphère privée.» Hier matin, l'Office fédéral des migrations (ODM) a organisé une visite de presse du nouveau centre d'hébergement de l'aéroport de Genève, aménagé dans la partie «hors Schengen» du site. Une visite très encadrée, consistant à présenter les locaux – flambant neuf – et l'organisation des lieux – tip-top. Les principaux intéressés, eux, étaient tenus à l'écart, malgré l'intérêt que cette présence massive de journalistes semblait susciter chez certains.

Lumière «naturelle»

Avec l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen, la zone de transit de l'aéroport – celle où les contrôles d'identité ont subsisté – est devenue une véritable forteresse étanche. «Même pour nous, c'est un peu plus lourd administrativement, car les accès sont strictement contrôlés», indique Rolf Götschmann, chef de la procédure asile aéroports à l'ODM. C'est là où se trouve le centre d'hébergement où sont logés les quatre requérants d'asile actuellement en attente d'une décision (lire ci-dessous).


Luxueuses promenades

A leur disposition, deux dortoirs (dix places pour les femmes, vingt pour les hommes) et une chambre destinée aux familles ou aux mineurs non accompagnés. Contrairement aux locaux provisoires utilisés jusqu'en mars dernier, les chambres disposent de lumière naturelle... légèrement entravée par un grillage. Mais pas d'air frais. «Les fenêtres ne s'ouvrent pas... Question de sécurité: on est quand même dans un aéroport!», précise le sergent-major Jean-Pierre Chaudet, de la police de sécurité internationale.
Au bout d'un couloir se trouvent les sanitaires, une cuisine, ainsi qu'une salle de séjour spartiate bien qu'équipée d'un téléviseur et d'un baby-foot. Une petite bibliothèque contient des livres, des jeux de société et quelques jouets. Un bureau de l'ODM et un autre dévolu aux collaborateurs d'ORS Service SA, l'entreprise mandatée pour l'encadrement des requérants, complètent le tableau. Au sous-sol, l'association d'aide juridique Elisa possède désormais elle aussi un espace de travail. Ses animateurs guident les réfugiés durant la procédure et les aident à communiquer avec l'extérieur.


Surveillance policière

Pour humer l'air humide de cette fin d'été, il faut monter sur le toit du bâtiment. Une terrasse d'une trentaine de mètres carrés avec vue (presque) imprenable sur le tarmac est à disposition. Il y des tables et des chaises. Seuls les parasols n'ont pas été livrés à temps. «Ce lieu n'est pas très utilisé», précise Pierre-Alain Lunardi, directeur de l'assistance à ORS Service SA. Peut-être parce que le grillage intégral qui recouvre la terrasse rappelle des mauvais souvenirs carcéraux à certains, qui sait? En guise d'échappatoire, il leur reste toujours la galerie marchande du terminal, ses bars et ses boutiques de luxe, où les réfugiés peuvent déambuler comme bon leur semble. Mais avec 21 francs par semaine d'argent de poche versés par la Confédération, difficile toutefois de dépasser le stade du lèche-vitrines.
«Leur journée est rythmée par les repas», entame Alexandra van Lanschot, employée d'ORS Service SA. Cette jeune femme licenciée en ethnologie assure l'intendance de 8 h à 17 h. La nourriture est préparée par une firme qui livre les plateaux aux compagnies aériennes. «La viande est toujours halal et des plats végétariens sont disponibles», précise-t-elle. Elle tente d'apporter un peu de chaleur humaine aux requérants d'asile: «Nous discutons, faisons des jeux de société, je donne des cours de français à ceux qui le désirent. Depuis quelque temps, j'organise parfois la préparation de spécialités culinaires du pays d'origine de l'un des pensionnaires.»
Durant la journée, les réfugiés peuvent encore rencontrer les membres d'Agora, l'aumônerie genevoise oecuménique auprès des requérants d'asile. Ou, sur demande, le personnel infirmier de Cointrin, relais médical direct pour les personnes souffrantes. La nuit, en revanche, seuls les hommes du service asile et rapatriement de la police de sécurité internationale accèdent aux locaux lors de rondes de surveillance. C'est probablement dans ces moments que la réalité de l'enfermement est la plus vive. I



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Baisse des arrivées par avion

OLIVIER CHAVAZ

Depuis le 1er janvier 2008, les réfugiés arrivés en Suisse par voie aérienne peuvent être retenus jusqu'à soixante jours aux aéroports de Genève et Zurich. «En règle générale, leur séjour ici ne dépasse pas trente jours», affirme Rolf Götschmann, de l'Office fédéral des migrations (ODM). Les requérants sont auditionnés deux fois par les fonctionnaires avant de recevoir la première décision, au bout de deux semaines en moyenne. Ils disposent ensuite de cinq jours pour recourir contre une décision négative ou une non-entrée en matière (NEM). Puis, la justice administrative fédérale statue dans les mêmes délais.
Selon les statistiques de janvier à juillet 2009, 64 demandes ont été déposées à Cointrin (208 de janvier à décembre dernier). Le Sri Lanka, le Nigeria et la Côte-d'Ivoire sont les pays les plus représentés. Selon les projections de l'ODM, les demandes déposées aux deux aéroports devraient constituer entre 2 et 3% de l'ensemble des requêtes en Suisse en 2009 (contre 4% en 2008).
Sur les 64 demandes de cette année, la moitié environ a débouché sur une admission, qui n'est bien souvent que provisoire. Les personnes concernées sont alors transférées vers le centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe, l'un des trois que compte le pays. Les recalés, eux, sont pris en charge par le canton de Genève en vue d'un rapatriement si les documents de retour sont délivrés par leur pays d'origine. Parmi eux, certains passeront par le centre de détention administrative de Frambois.
OCZ

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