Pascale Burnier | 02.07.2009 | 00:07
Trois jupes, deux pantalons, une valise. Et le courage de tout quitter pour une vie aux promesses meilleures. Il y a douze ans, Monica et Richard Flores ont pris leur dernier billet d’avion. Un aller simple Equateur-Suisse. Le début d’un parcours dans l’ombre. Sans papiers. Douze ans à Lausanne, à élever deux enfants, Johanna 13 ans, et Maël, 5 ans. Douze ans, à travailler dans le canton.
Crainte de partir
En 2003, un contrôle de police les pousse à faire leur demande de permis. Une réponse favorable du canton de Vaud mais un refus de Berne. A deux reprises, des mesures de contrainte sont ordonnées accompagnées d’une date de départ. Plusieurs recours et une nouvelle demande plus tard, Monica et Richard continuent à vivre dans la crainte de devoir repartir de zéro. Encore une fois. «Les autorités nous connaissent, savent où on habite. On n’est pas des clandestins, on cotise et on paie nos impôts depuis notre arrivée en 1997. Mais lorsque l’on reçoit un courrier officiel, on a toujours peur de se faire renvoyer», lâche Richard en dévoilant toutes ses fiches de salaire. Alors, comme 162 autres familles de travailleurs au gris, comme on les appelle, ils sont sortis de l’ombre dans une pétition énumérant leurs noms et demandant leur régularisation, déposée mardi au Grand Conseil.
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale contre le travail au noir en janvier 2008, le canton de Vaud a pourtant intensifié ses contrôles (voir encadré). Une véritable hypocrisie pour Christophe Tafelmacher, avocat et animateur du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers: «Ils paient les assurances sociales et des impôts. On accepte leur argent, mais on ne veut pas les régulariser!»
Mais la vie de la famille Flores est désormais en Suisse. Seuls souvenirs de leur pays d’origine, un accent chantant et le drapeau de l’Equateur accroché dans un coin du salon. «On est devenu adultes en Suisse. C’est ici que nos idées se sont forgées», explique Monica, la jeune mère de 33 ans. «Pour mon fils né ici et ma fille, leur pays, c’est la Suisse.» Repartir un jour? Un non simultané de la tête. Pas besoin d’en dire plus.
Mensonge nécessaire
Serveur dans un restaurant lausannois depuis six ans, Richard, 34 ans, a gravi les échelons dans la restauration, de plongeur à chef de rang. Une fierté pour celui qui est arrivé avec un petit dictionnaire français en poche. «On ne connaissait rien de la Suisse. Mais mon frère, aujourd’hui naturalisé, et ma sœur avaient immigré ici.» Six mois plus tard, sa femme le rejoint sans leur fille. Les larmes coulent à l’évocation de ce souvenir. «Quand je suis partie, je ne savais pas quand je reverrais mon enfant», glisse Monica.
C’est que l’Equateur ne leur permet pas de vivre décemment. Malgré un emploi chacun, la petite famille ne voit pas de perspective. A son arrivée, Monica devient femme de ménage puis gouvernante.
Un baccalauréat en poche, elle aurait aimé faire une carrière mais ses priorités sont ailleurs. Ses enfants. Johanna, aujourd’hui en 7e VSB, n’a révélé le secret de la famille qu’à une amie proche. Pour le reste, le mensonge est parfois de mise. Difficile d’expliquer qu’on refuse un échange linguistique avec l’école parce que la traversée d’une frontière serait irréversible.
Lire la suite et l'interview de JC Mermoud dans 24heures
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