«Nous, Africains, devons prendre notre intégration en mains»
Publié par 24 heures (http://www.24heures.ch)
ASILE | L’Association africaine du Chablais incite les migrants à jouer un rôle actif dans la société qui les accueille. Une approche qui se veut novatrice en Suisse, selon son président.
Patrick Monay | 24.06.2009 | 14:13
«Ce nom bien valaisan, je ne sais pas comment mon père l’a eu !» Il était peut-être écrit que Tazuila Emery s’établirait en Suisse. Venu du Congo, il fut requérant d’asile. Vingt-huit ans plus tard, ce fidèle employé du site chimique de Monthey préside l’Association africaine du Chablais, forte de plus de 200 membres, baptisée Baobab. « Un arbre de légende dans toute l’Afrique, sous lequel se règlent beaucoup de problèmes de société. Un lieu d’échange et de paix. »
- Pourquoi avoir fondé cette association, il y a deux ans ?
- Pour enfin devenir acteurs dans la société. Pendant un quart de siècle, beaucoup d’entre nous sont venus en Suisse avec l’intention de rentrer au pays. C’était mon cas. Or, cette attitude conduit à être attentiste, à rester simple observateur. Cela a beaucoup pesé sur notre communauté, notamment en ce qui concerne l’intégration des enfants. C’est comme si l’Africain était resté devant la porte d’une maison, sans jamais frapper. Désormais, ici dans la Chablais, nous avons décidé de frapper à la porte. De prendre nos responsabilités. C’est une rupture totale.
- Comment ?
- Prenez l’éducation. Un comité, au sein de Baobab, est chargé de mener une réflexion et de faire des propositions aux autorités, afin d’éliminer les blocages culturels. Nous souhaitons disposer d’un local où les devoirs des enfants seraient pris en charge, avec la contribution des grands frères. Ce centre doit devenir, en quelque sorte, notre nouvelle « place du Marché ». Un endroit où créer le débat avec les autochtones, de façon plus ouverte que dans nos églises et nos boutiques africaines.
- Vous ambitionnez aussi de fonctionner comme une passerelle pour les migrants africains. De quelle façon ?
- Comme nous avons l’avantage de parler les mêmes langues ou dialectes que les nouveaux arrivants, nous pouvons, d’entente avec les autorités locales, faciliter leur accueil. Actuellement, les requérants d’asile sont marginalisés dès le départ. Au plan psychologique, c’est néfaste. Nous pouvons contribuer à changer cela en leur expliquant des choses très concrètes, comme le fonctionnement des institutions ou la gestion des déchets, mais aussi en les mettant en contact avec des familles suisses. Ce sont des mesures que nous pouvons mettre en place dès demain, si l’on nous ouvre la porte.
- A quels obstacles vous heurtez-vous ?
- Aux préjugés, principalement. De par notre couleur de peau, nous sommes une minorité très visible. Bien plus que les Italiens ou les Portugais avant nous… Nous pouvons comprendre la méfiance que cela peut faire naître au départ. Mais nous voulons combattre les idées reçues et les généralisations.
- Comme celle concernant les dealers…
- C’est une réalité que nous ne pouvons ignorer. Mais il s’agit d’une infime minorité d’entre nous. La preuve que rester dans la marge est dangereux… En travaillant sur l’intégration active, nous voulons immédiatement faire entrer les gens dans la légalité.
- Quels sont les premiers échos de vos efforts ?
- Très positifs. Certains Africains étaient réticents au départ. Aujourd’hui, tout le monde est enthousiaste. Et nous avons d’excellents contacts avec les autorités, en particulier la commune de Monthey. Nous avons beaucoup à apporter à la société. L’objectif, c’est de créer un déclic. Espérons que notre démarche sera reprise ailleurs en Suisse.
>> L’Association africaine du Chablais organise samedi 27 juin une «soirée de l’amitié » à Monthey (salle de la Gare). Dès 18h, cuisine africaine, danse et musique avec, entre autres artistes, Vincent Zanetti. Entrée libre.
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