Michel reste songeur devant sa caravane
abîmée, avec la fenêtre cassée. «Des gens
nous tirent dessus en passant depuis la
route et on ne nous prend pas au sérieux.»
RESTOROUTE DE LULLY
20 FEVRIER 2008
Jean-Paul Guinnard
«On nous tire dessus et les flics ne veulent même pas venir», se fâche Michel, l'un des gitans établis ces jours près du Restoroute Rose de la Broye, à Lully. Des mauvais plaisants leur ont tiré dessus, mardi soir, avec des pistolets à peinture. Ces armes factices, utilisées dans les compétitions de paintball, tirent des billes colorantes qui peuvent blesser.
En l'occurrence, les projectiles jaunes et orange ont endommagé cinq des 25 caravanes, causant des impacts et cassant une fenêtre. «On a appelé la gendarmerie, raconte Michel, mais ils ne voulaient pas venir. Il leur a fallu trois quarts d'heure pour arriver. Quand des gens se plaignent de notre présence ou qu'un de nos enfants vole un bonbon, ils viennent en dix minutes!» La police fribourgeoise conteste cette accusation. «Une patrouille est intervenue sur demande à 22 h 20, explique Hans Maradan, son porte-parole. Les gendarmes étaient en intervention à Chiètres, ils ont mis 20 minutes pour venir à Lully.»
Sur place, les agents ont constaté que la tension était vive. «On avait peur, confirme la femme de Michel. De l'intérieur de la caravane, le bruit ressemblait à de vrais coups de feux.» La police a fermé la bretelle d'accès au restoroute, depuis le giratoire, pour le reste de la nuit. Pour rassurer les gitans et pour éviter toute velléité de représailles contre des automobilistes. La police n'a pas retrouvé les tireurs de billes.
Michel n'en a presque pas dormi. «Quarante ans que je suis sur la route, dit-il, mais j'ai rarement vécu ça.» Il se demande pourquoi lui et ses amis, des «commerçants itinérants avec des patentes délivrées par Berne, bien connus dans la région», se font tirer dessus. Il a le sentiment que les gendarmes ne les ont pas pris au sérieux. «On n'a pas d'assurance, dit-il, et une caravane coûte 30 000 euros.»
Chez les voisins, le discours est différent. Ces Tziganes français ne sont pas les bienvenus au restoroute de la Broye. Les gitans mineurs n'y sont pas admis, pas plus qu'à la station-service attenante. «Nos enfants ne peuvent pas aller chez McDonald's et on nous refuse de prendre une douche», se plaint Michel. Gérant de Rose de la Broye, François-John Blancpain se refusait hier à tout commentaire. Les nomades se sont imposés sur la place au nord du restoroute, samedi passé, malgré la fermeture permanente des chemins d'accès. Les caravanes ont roulé sur les champs gelés pour y accéder. Après négociations avec la commune de Lully, ils auraient payé près de 1500 francs (10 francs par jour et par caravane) pour pouvoir rester jusqu'à vendredi.Le canton de Fribourg n'a toujours pas de place de stationnement pour les nomades. En 2007, le député Eric Collomb, de Lully, a interpellé le gouvernement à ce sujet. Une commission cantonale planche sur le problème.
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