vendredi 10 février 2006

Lettre de Maria Roth-Bernasconi dans Le Courrier

Selon Maria Roth-Bernasconi, il est crucial de considérer la problématique de la migration dans sa complexité plutôt que d’y apporter des réponses simplistes, discriminantes et xénophobes. Le 16 décembre 2005, le Parlement suisse a décidé en votation finale d’accepter les nouvelles lois sur l’asile et sur les étrangers. Le 16 janvier 2006, un colloque sur la migration, la mondialisation et les droits de l’homme, leurs enjeux et conséquences a eu lieu à Genève. Ces deux événements partent
d’un constat presque similaire: à l’heure de la mondialisation et des changements dans les phénomènes migratoires qu’elle a engendrés, il est crucial de repenser les politiques d’accueil des migrant-es. La similitude des deux dates s’arrête ici. Le Parlement suisse a, en effet, décidé de ne pas inclure dans sa réflexion la dimension
des droits humains. En effet, plusieurs dispositions de la loi sur l’asile bafouent à
mon avis ces droits fondamentaux comme par exemple: le refus d’entrée en matière pour
défaut de papier d’identité, l’extension de la suppression de l’aide sociale à tous les déboutés et les raccourcissements des délais de recours. La dureté des mesures a été critiquée par le HCR et par tous les milieux de l’asile, actifs sur le terrain. Ces mesures concourent évidemment aux vrais buts de la politique voulue à Berne,
à savoir saper le système des droits humains et servir sans doute de test, annonciateur d’attaques en règle dans d’autres domaines (assurancechômage, AI, AVS, assurancemaladie). En cédant aux sirènes de l’extrême droite par peur, notamment
de la sanction électorale, la droite dite modérée a préféré écarter les principes qui
fondent un Etat de droit pour suivre une démagogie à court terme. Il est évidemment plus simple de décomplexifier les problèmes de la mondialisation, des migrations et des droits de l’homme en y apportant une réponse simpliste qui a l’avantage de plaire: fermons les frontières! Personnellement, je ne peux suivre un tel raisonnementnon seulement pour des raisons humanitaires, mais également pour des raisons économiques et démographiques. En effet, l’économie d’aujourd’hui est globale et ne respecte plus aucune frontière. Le capitalisme mondialisé fait primer à tous les niveaux les critères de rentabilité financière et les mécanismes de marché purs et durs. Cette économie s’est départie des êtres humains puisque l’unique but est
d’accumuler du capital financier. Or, nous, les socialistes, demandons que la mondialisation soit réglementée dans tous les domaines. Il faut donner
plus de poids aux politiques face au pouvoir économique lui permettant de réglementer
l’économie en introduisant des normes sociales et écologiques au niveau mondial. En effet, une plus juste répartition des richesses entre le Nord et le Sud
est également un moyen d’influencer les politiques migratoires. De même, les flux des migrations doivent être coordonnés, au niveau international, puisqu’ils ont lieu avec ou sans lois nationales strictes, en libérant des moyens importants pour des mesures d’intégration dans les pays d’accueil. Une réelle politique sociale
permettra également aux laissés-pour-compte indigènes de comprendre que ce ne sont
pas les migrant-e-s qui posent problème mais bien plus la politique néolibérale menée actuellement par les pouvoirs en place. En dernier lieu, n’oublions pas que l’immigration dans notre pays peut constituer une réponse au problème du vieillissement de nos sociétés. En effet, le taux de natalité est en train de mener les pays européens vers l’extinction de leur population indigène puisque les femmes ne font plus assez d’enfants pour renouveler la population. La migration ainsi que la
mise sur pied d’une réelle politique familiale et la promotion de l’égalité entre femmes et hommes pourrait donc constituer une ébauche de solution. La conciliation de thèmes comme la migration, la mondialisation et les droits humains est un des enjeux majeurs des politiques à venir. Il est crucial de considérer cette problématique dans sa complexité plutôt que d’y apporter des réponses simplistes, discriminantes et xénophobes.

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