Les services de sécurité de Norvège et d’ailleurs ont-ils été trop obnubilés par le terrorisme islamiste? Certains experts dénoncent.
Qui n’a pas immédiatement songé à la piste islamiste? Dès l’explosion vendredi d’une bombe à Oslo, ravageant les bureaux du premier ministre, les experts cités en direct par les médias scandinaves soupçonnaient un acte de revanche contre la participation des forces norvégiennes en Afghanistan et en Libye. Une théorie reprise partout autour du globe. Notre journal n’a pas fait exception. Quelques heures plus tard, pourtant, c’est la stupéfaction: le principal suspect est «un Norvégien de souche». Et même «un fondamentaliste chrétien» fasciné par les thèses de l’extrême droite.
Comment cet homme inconnu des services de police a-t-il pu fomenter l’attaque la plus meurtrière du continent européen depuis les attentats islamistes de Londres qui ont fait 52 morts en 2005? Pour certains, il est tout simplement un extrémiste sorti des radars des services de sécurité parce qu’ils étaient trop accaparés par la menace islamiste. Dans un rapport publié au début de l’année, le renseignement norvégien assurait que «l’extrême droite, comme l’extrême gauche, ne présente pas de menace sérieuse en 2011» et que c’est «avant tout» l’islamisme radical qui constitue «une menace directe».
Rejet de l’islam
Matthew Goodwin, enseignant à l’Université de Nottingham et expert des groupes d’extrême droite, confirme que la focalisation sur la menace islamiste a détourné l’attention. «Ces dix dernières années, nos services de sécurité se sont surtout portés sur Al-Qaida, laissant un vrai trou dans leur couverture de l’extrême droite.» En 2010, Interpol estimait qu’il n’y avait pas de mouvement terroriste d’extrême droite sur le continent. Tout en relevant la professionnalisation croissante dans la production de propagande antisémite et xénophobe, ainsi que la présence accrue de ces dérives sur les réseaux sociaux. A quoi vient s’ajouter la montée de l’islamophobie et du racisme anti-immigrés. Daniel Poohl, de la fondation suédoise Expo, observatoire de référence sur l’extrême droite en Scandinavie, n’est d’ailleurs pas surpris de voir émerger une nouvelle forme de terrorisme nourrie par un rejet de l’islam.
Cela dit, il faut bien reconnaître que jusqu’à présent la violence d’extrême droite avait rarement dépassé le stade de passages à tabac ou d’attaques à l’arme blanche. Pour le criminologue zurichois Martin Killias, les attaques en Norvège sont à mettre sur le compte d’un acte de folie. Samedi, sur les ondes de la radio alémanique DRS, le professeur de droit pénal a affirmé que l’orientation idéologique, quelle qu’elle soit, ne joue pas un rôle central chez les coupables.
Andrés Allemand avec les agences dans 24 Heures
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