« Votre ministre de l'Immigration vient à Calais lundi, c'est pour nous aider ? », nous interpelle samedi Abou, jeune Érythréen. Président de l'association l'Auberge des migrants, Christian Salomé se tourne vers nous : « Vous voyez, c'est beau, certains ont encore des illusions. » Il faut dire qu'Abou, comme une quarantaine d'autres, à Calais, espère légitimement que l'État lui propose un hébergement ...
Il n'est pas en situation illégale ni ne veut aller en Angleterre. Il a fait une demande d'asile qui lui donne droit à un logement en centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA). « Mais on m'a dit qu'il n'y avait plus de place. » Alors en attendant une réponse - et il risque d'attendre longtemps, M. Salomé racontant l'histoire d'un Afghan qui vient d'obtenir le statut de réfugié alors qu'il a fait sa demande en septembre 2009, lors de l'évacuation de la « jungle » -, il vivote dans un squat. « L'African House », comme ils l'appellent. Une ancienne usine où désormais la plupart des 200 à 250 migrants à Calais (chiffre des associations) survivent. Il n'y a pas d'eau, pas de toilettes. Abou nous montre ce qui lui sert de lit : une paillasse récupérée, sale, à même le béton. Il tend un carnet dans lequel il a noté des traductions pour apprendre le français. « Vous direz à votre ministre que je veux m'intégrer. » Étant donné la situation en Libye, les migrants seraient plus nombreux depuis quelques semaines. Pas tant des Libyens. Mais plutôt des Éthiopiens ou des Soudanais qui ont été libérés des prisons de Khadafi où ils avaient été enfermés parce qu'ils tentaient de traverser le pays direction l'Europe. Ou, comme Oman, un Darfouri, parce qu'ils y travaillaient depuis quelques années et fuient désormais la guerre.
Franchir le tunnel
En revanche, comparé à l'époque de la « jungle », il n'y a à Calais quasiment plus d'Irakiens, « mais davantage d'Iraniens », selon M. Salomé. Et beaucoup moins d'Afghans, eux qui étaient la majorité des migrants. Mohammad Ziy, l'un d'eux, explique : « Moi je vais tenter d'aller en Angleterre, mais les autres Afghans préfèrent rester en Allemagne, aller en Belgique, en Suède ou en Norvège. Car c'est trop dur de passer le tunnel. » Le 18 mai, à Grande-Synthe, un Iranien a trouvé la mort en tentant d'embarquer dans un camion. M. Salomé : « Je l'avais croisé peu avant, il avait deux enfants... Tant que dans des pays, la vie sera insoutenable, il y aura des migrants. Alors certes, ils sont moins à Calais, mais par exemple plus à Paris... » Mais c'est du bilan calaisien que Claude Guéant se félicitera.
Laurent Decotte dans la Voix du Nord
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