jeudi 10 mars 2011

Les migrants fragilisent les accords de Dublin

Alors que les migrants affluent à Lampedusa, la polémique sur l'efficacité des accords de Schengen-Dublin ne cesse de prendre de l'ampleur. L'Italie est soupçonnée de ne pas enregistrer tous les demandeurs d'asile recueillis. L'UDC Yvan Perrin dénonce une faille du système.

Alors qu'à Bruxelles, les regards inquiets des leaders européens scrutent le Maghreb et ses problèmes d'urgence humanitaire, la Confédération aussi s'inquiète. Les ténors de la politique nationale, tous partis confondus, sont au moins d'accord sur un point: la Suisse doit envoyer au plus vite son soutien logistique en Tunisie, offrir son savoir-faire humanitaire et aider à la reconstruction économique du pays. Parallèlement, la polémique sur l'efficacité des accords de Schengen-Dublin ne cesse de prendre de l'ampleur, en particulier autour de la question du renvoi des requérants dans le premier pays où une demande d'asile a été déposée. Un aspect central du système Schengen, comme l'avait souligné Eveline Widmer-Schlumpf en 2010, «sans lequel c'est tout le système qui devrait être remis en question».

«Ne pas se fier à l'Italie»

Or, problème il y a. Du moins à en croire Karin Keller-Sutter, la présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, qui a déclaré à la «SonntagsZeitung» que le dispositif des renvois conformément à l'accord, «ne fonctionne déjà plus aujourd'hui». Des propos que l'UDC n'a pas manqué de développer ces derniers jours: ainsi, Christoph Blocher a prévenu qu'il ne fallait «pas se fier à l'Italie en matière de procédure d'asile», et Christoph Mörgeli exige que la Suisse se retire séance tenante de l'accord.Et si, pour l'heure, la question occupe surtout les sections UDC alémaniques, un nombre grandissant d'élus d'autres partis commencent à admettre - même du bout des lèvres - les faiblesses du système, et surtout un laxisme plus ou moins volontaire et compréhensible de l'Italie, prise d'assaut par les migrants du Maghreb. La Péninsule n'accomplirait-elle pas son devoir? Ce soupçon a aussi été exprimé en début de semaine par la France, alors que Claude Guéant, le nouveau ministre français de l'Intérieur, priait fermement l'Italie de retenir le flot de migrant chez elle, après que plus de 1070 personnes avaient déjà franchi la frontière franco-italienne entre le 1er et le 3 mars.

Appels à la solidarité

Avant cela, l'Italie, mais aussi l'Espagne, ont fait savoir que leurs autorités n'entendaient plus se plier systématiquement à l'enregistrement automatique des migrants débarqués sur leurs côtes, et plaidaient pour davantage de solidarité de la part des pays de l'Union européenne.Dans la Botte, si l'enregistrement des demandes s'effectue plus ou moins normalement sur ce confetti d'Italie qu'est la petite île de Lampedusa, plus proche des eaux territoriales tunisiennes que de la Sicile, il n'en va pas de même partout ailleurs. Ces derniers jours, plusieurs reportages diffusés par les télévisions italiennes, ont montré comment des hordes de clandestins débarquaient dans la région de Bari et se dirigeaient tout droit sur la gare du chef-lieu de la province éponyme, dans les Pouilles, pour «rejoindre le Nord, au plus vite».

«Cercle vicieux»

Pour peu qu'ils arrivent en gare de Chiasso, dépourvus de papiers d'identité et non enregistrés dans le système européen Eurodac, la Suisse est contrainte de donner suite à leur demande, alors que la plupart d'entre eux ne répondent pas aux critères de la loi sur l'asile. Une procédure qui, dans le pire des cas, pourra se prolonger durant de long mois, voire même être reconduite, en cas de dépassement des délais. Sans compter les candidats qui rejoindront peut-être le lot des cinq à six renvois quotidiens vers la Péninsule.Comme le souligne un fonctionnaire fédéral au Tessin, sous couvert de l'anonymat, «une fois qu'ils auront atterri à Rome, ils sauteront dans le premier train pour revenir à Chiasso et déposer une seconde (voire davantage) demande pour le même requérant. Un cercle aussi vicieux qu'inutile, qui ne sert les intérêts de personne, pas même du demandeur».

Nicole della Pietra dans la Liberté

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