Les autorités vaudoises s'apprêtent à expulser un requérant d'asile béninois et à l'arracher à sa fille de 7 ans. Le scénario va bientôt devenir d'une terrifiante banalité. Il y a moins d'un mois, un jeune papa devait être renvoyé de force en République démocratique du Congo. Un article signé Michaël Rodriguez dans le Courrier.
La veille du vol spécial à destination de Kinshasa, il a été libéré in extremis sur ordre des autorités fédérales. Le canton, lui, n'avait pas levé le petit doigt pour défendre l'intérêt de l'enfant à avoir près de lui ses deux parents. L'irruption de la violence d'Etat dans la sphère familiale montre que, pour les autorités, certains habitants de ce pays ne sont pas dignes d'avoir accès au degré le plus élémentaire de la vie en société.
Au-delà de la trajectoire personnelle du jeune Béninois et de sa fille, l'affaire est emblématique de la dérive de la politique migratoire helvétique. La stratégie consistant à morceler la situation des migrants, à la découper en catégories et en procédures toujours plus nombreuses et plus étroites, ne doit pas faire illusion. «NEM» rabaissés à une condition indigne, au seuil de la misère; «cas Dublin» expulsés sans avoir pu faire usage de leur droit de recours; sans-papiers bientôt privés de mariage; requérants déboutés arrachés à leur famille; renvois manu militari qui aboutissent même parfois à la mort: aujourd'hui, le stade des incidents isolés est largement dépassé.
Parler de dérapages serait également bien trop faible face à un phénomène qui prend l'aspect d'un véritable système. Sur le papier, les droits fondamentaux subsistent, mais ils sont rendus de plus en plus inapplicables par la consécration d'un droit d'exception dans le domaine migratoire. Sous l'influence du discours politique hostile aux étrangers, les administrations publiques deviennent trop souvent des laboratoires pour ces réformes liberticides. On l'a vu notamment avec l'interdiction du mariage pour les sans-papiers, que le Valais a anticipée en dehors de tout cadre légal.
Cette évolution néfaste pourrait s'étendre rapidement à d'autres catégories de la population. N'oublions pas que, dans la loi fédérale sur les étrangers, le fait de toucher l'aide sociale est quasiment assimilé à un délit. C'est en effet un des motifs, aux côtés de la condamnation à une peine de prison de longue durée et de l'atteinte grave et répétée à l'ordre public, qui justifie le retrait de son permis de séjour à un étranger. La rhétorique des «abus» de l'aide sociale montre que certains préparent déjà le terrain à de nouvelles attaques contre les classes les plus démunies.
Il ne faut pas attendre d'en arriver là pour travailler à enrayer cette dangereuse machine. Et commencer par exiger une levée sine die des mesures de détention administrative. Outre qu'elles sont indignes en soi, puisqu'elles permettent d'enfermer jusqu'à deux ans des personnes qui n'ont commis aucun crime, elles sont entachées par les récents abus de la violence d'Etat. La justice dans ce pays gagnerait à coup sûr à une libération de tous les innocents détenus à la prison genevoise de Frambois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire