Samedi, des détenus ont saccagé un local. Le comité de la Ligue des droits de l'homme dénonce la passivité des autorités face à leur désespoir.
Samedi vers 11 h 15, ce qui semble être un mouvement de révolte a démarré dans le centre de détention administrative de Frambois, géré par Genève, Vaud et Neuchâtel, où sont enfermés des requérants d'asile déboutés ou frappés d'une non-entrée en matière, en attente d'expulsion. Selon le porte-parole de la police Jean-Philippe Brandt, une quinzaine de détenus ont été impliqués. Ces violences ont démarré en raison d'un «antagonisme» entre un groupe de Géorgiens et un autre d'Africains, selon le policier. Le Collectif droit de rester et la Ligue des droits de l'homme inscrivent ces événements dans le contexte alarmant de désespoir à Frambois. «A l'arrivée de la Brigade de sécurité, un groupe d'Africains était retranché dans la cuisine, explique M. Brandt. Ils avaient répandu partout de l'huile ainsi que sur eux-mêmes, et avaient saccagé le local.» Les pompiers ont aussi été mobilisés, mais par mesure de précaution et non parce que les détenus auraient menacé de s'immoler. A 13 h 30, le calme est revenu. Aucun blessé n'est à déplorer. «Plusieurs patrouilles» ont été dépêchées en tenues anti-émeute, mais l'usage de la contrainte n'a pas été utile.
La Ligue pas surprise
Pour en savoir plus, la police renvoie aux responsables du centre de Frambois, qui dévient vers le Département de la sécurité, de la police et de l'environnement. Mais l'administration était fermée comme il se doit.
La Ligue des droits de l'homme sait peu de choses des événements: «En appelant par téléphone un détenu samedi nous avons su que deux d'entre eux étaient très énervés et que la police était sur le point d'intervenir. Nous avons entendu des cris. Par la suite, la ligne téléphonique de Frambois était coupée. Les instigateurs ont étés enfermés en cellule pour calmer le jeu. Ce qui s'est passé est grave et nous déplorons cette violence», commente Orlane Varesano, membre du comité.
Mais celle-ci se dit tout sauf surprise. «Vendredi, j'étais à Frambois et j'ai calmé pendant une heure un détenu au bord du désespoir et dont les propos étaient violents.» La Ligue comptait alerter en ce début de semaine la Commission parlementaire des visiteurs de prison de la situation à Frambois.
Car les signes avant-coureurs se multipliaient depuis plusieurs semaines, selon la militante. «Frambois est une cocotte-minute. Les Conseils d'Etat genevois et vaudois étaient au courant et n'ont pris aucune mesure.»
Deux tentatives de suicide
Mme Varesano fait état de deux tentatives de suicide, de cas de mutilation, de grève de la faim et de dépressions graves. «Le 22 septembre, un Géorgien qui devait ce jour-là être expulsé s'est taillé les veines. Il a été secouru par un gardien, ses plaies ont été pansées, puis il a été emmené à l'aéroport par la police qui a quand même tenté de le renvoyer. Il a une femme et un enfant! La politique d'asile ne tient aucun compte de la dimension humaine!»
L'autre tentative de suicide concerne le détenu d'origine africaine avec qui Mme Varesano a parlé vendredi. Il a selon elle tenté de se tuer le 14 septembre, puis a passé une semaine au centre psychiatrique de Belle-Idée. «Il est à Frambois depuis février et son dossier est bloqué par un problème de reconnaissance de nationalité, sans qu'il ne soit informé de l'avancée des procédures. Les autorités savaient que cette reconnaissance par son pays serait problématique mais ont quand même décidé la détention, qui l'a brisé.»
Sans savoir combien de temps ils seront enfermés et sans en comprendre la raison – ils ne sont pas des criminels et jugent leur sort injuste –, les détenus sont exposés à une vive détresse sans que l'encadrement psychologique soit suffisant, témoigne la Ligue des droits de l'homme. Cette détresse est due au principe très violent de la détention administrative, nourrie par un sentiment d'injustice et d'abandon, affirme Mme Varesano. Il ne faudrait pas recourir à cette mesure, et encore moins à son automatisme, ajoute-t-elle.
Les deux personnes qui ont tenté de se suicider auraient été partie prenante des violences samedi. Hier, le calme régnait à Frambois.
Rachad Armanios dans le Courrier
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