Kelsang Gyaltsen fut l’un des premiers enfants tibétains à être accueillis en Suisse par la Croix-Rouge. Aujourd'hui, sa communauté célèbre la venue à Zurich de son chef spirituel. Une visite qui marque aussi les 50 ans de la présence ici des réfugiés du Toit du Monde. Un article signé Elisabeth Nicoud, Zuerich, pour 24 Heures.
Kelsang Gyaltsen était au rendez-vous hier à Zurich. Jour de fête pour lui, comme pour tous les Tibétains de Suisse: le dalaï-lama a débuté une visite de cinq jours, durant laquelle il tiendra notamment une conférence publique au Hallenstadion de Zurich (10 000 billets ont déjà été vendus!) Dans la voix douce de Kelsang Gylatsen, le regret point malgré tout. Aucun conseiller fédéral ne se déplacera pour rencontrer son chef spirituel. La faute à un agenda surbooké, s’était justifiée, il y a plusieurs semaines déjà, Micheline Calmy-Rey. Et de rappeler que Berne a reçu à quatre reprises le leader religieux ces dernières années.
Cette visite ne ressemble toutefois pas aux précédentes. 2010 marque en effet les 50 ans de l’installation en Suisse des premiers réfugiés. Pour marquer cet événement, la plus grande communauté tibétaine d’Europe organise une cérémonie. «Nous souhaitons exprimer ainsi notre gratitude», explique Kelsang Gyaltsen, qui faisait lui-même partie du premier groupe d’enfants accueillis par la Croix-Rouge suisse au début des années 1960. Il avait alors 11 ans. Aujourd’hui, âgé de 58 ans, l’ancien petit réfugié est l’envoyé spécial du dalaï-lama. Soit l’un des deux négociateurs chargés de mener les pourparlers avec les autorités chinoises.
Pas le temps de voter!
L’incroyable destin de Kelsang Gyaltsen se confond intimement avec celui d’un peuple en exil depuis la fuite du dalaï-lama en Inde, en 1959. Mais l’homme confie se sentir chez lui en Suisse. Il a grandi dans la région rurale du Toggenbourg (SG), puis à Zoug, où il a fait ses classes dans un établissement catholique. Il parle un allemand parfait et comprend très bien le dialecte. Ce père de deux enfants n’a qu’un seul regret: «Ne pas avoir assez de temps pour aller voter.»
Bien que très Suisse, par son abord posé et la modération de son propos, le Tibétain d’origine n’a néanmoins rien oublié. Ni la fuite vers l’Inde avec ses parents, ni son arrivée en Suisse, en 1963, depuis Dharamsala, le nouveau siège du dalaï-lama, où son père l’avait envoyé.
Kelsang Gyaltsen n’a pas oublié non plus ses racines. Ainsi, en 1970, il crée l’association Jeunesse tibétaine en Europe et, plus tard, la Société pour l’amitié helvético-tibétaine. C’est en 1973 qu’il se sent appelé par le dalaï-lama. Il franchit définitivement le pas dix ans plus tard, abandonnant le confort financier que lui offre une banque à Zurich pour s’engager auprès du gouvernement tibétain en exil. Débute alors sa collaboration avec le dalaï-lama, d’abord entre l’Inde et la Suisse, puis en tant que secrétaire pour les relations internationales et enfin, dès 1999, comme envoyé spécial.
Aujourd’hui, Kelsang Gyaltsen note avec joie que la nouvelle génération continue à se mobiliser fortement pour l’autonomie du Tibet, quand bien même elle n’y a jamais vécu. «Ce sont des jeunes très bien intégrés, notamment en Suisse, et fiers d’être Tibétains. Parmi les facteurs importants ayant contribué à la valorisation de leur identité, l’intérêt croissant du monde occidental pour le bouddhisme.»
La route qui mènera le Tibet à l’autonomie n’en reste pas moins longue. L’émissaire du dalaï-lama le reconnaît, la dernière rencontre avec les autorités chinoises, en janvier, n’a pas amené de grands résultats. «Mais les représentants du gouvernement chinois ont clairement manifesté leur volonté de poursuivre les négociations.» Diplomate, Kelsang Gyaltsen continue malgré tout de croire «à une solution qui satisfasse les deux parties».
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