XAVIER ALONSO BERNE | 13.01.2010 | 00:01
«Si la Suisse veut offrir l’asile aux deux Ouïgours, elle trouvera des solutions d’accueil adéquates, que ce soit dans le Jura ou ailleurs. Il serait inadmissible que le Conseil fédéral fasse porter au Jura la responsabilité d’une volte-face.» Le président du gouvernement jurassien, le PDC Charles Juillard, préfère prendre les devants et se protéger. Il réitère le oui de principe du gouvernement jurassien, mais attend la décision définitive du Conseil fédéral pour rencontrer la ministre de la Justice, Eveline Widmer-Schlumpf, en charge du dossier.
Car tout part en quenouille dans cette affaire des ex-détenus de Guantánamo qui, de geste humanitaire, tourne à l’embryon de crise politique. «Il est hors de question que la Suisse prenne des risques pour soigner la cote de popularité de Barack Obama», résume Yvan Perrin. Le vice-président de l’UDC fait partie de la Commission de sécurité qui a auditionné, hier matin, Eveline Widmer-Schlumpf et qui, par 15 voix contre 10, recommande au Conseil fédéral de ne plus admettre d’ex-détenus de Guantánamo en Suisse.
Selon la majorité de cette commission, les considérations de sécurité et les relations avec la Chine l’emportent sur l’action humanitaire. En accueillant un Ouzbek à Genève, la Suisse a déjà apporté sa contribution au démantèlement de la prison de Guantánamo, avance Yvan Perrin. Ce dernier doute par ailleurs que les deux candidats à l’asile soient aussi peu dangereux que l’affirme l’évaluation faite par l’administration fédérale.
Engagements à respecter
Cette appréciation, le département d’Eveline Widmer-Schlumpf ne la partage pas. La conseillère aux Etats Anne Seydoux (PDC/JU) non plus: «Les dossiers de ces deux personnes – innocentées par la justice américaine – ont été fouillés comme rarement. La Suisse a fait naître un espoir. Vis-à-vis de ces gens et des Etats-Unis, nous avons pris des engagements que nous devons respecter.»
La sénatrice jurassienne, membre du groupe pour les droits humains qui a publié une lettre demandant à la ministre de ne pas céder à la pression, regrette surtout les manœuvres de déstabilisation du gouvernement. «Je m’étonne que l’UDC ne considère pas que la Suisse est aussi souveraine en matière de politique humanitaire», glisse-t-elle.
«Les parlementaires bourgeois veulent embourber le dossier Guantánamo», analyse le socialiste Eric Voruz, membre de la Commission de sécurité. Les PDC se sont alignés sur la position sceptique de Doris Leuthard (ndlr: qui négocie en ce moment un accord de libre-échange avec la Chine). Et les libéraux-radicaux n’osent plus bouger sans donner des gages à l’UDC», glisse le Vaudois.
Souffle UDC sur les braises
S’il ne constitue qu’une simple recommandation, le vote de la commission désavoue le Conseil fédéral. Un gouvernement que l’on sait fragile aussi sur ce dossier. On l’a dit, Doris Leuthard défend les relations commerciales avec la Chine. Eveline Widmer-Schlumpf, elle, veut peaufiner sa stature de ministre de la Justice rigoureuse et porteuse d’une ligne dure. Micheline Calmy-Rey préfère jouer la carte Etats-Unis que celle de la Chine.
Des braises de désaccord sur lesquelles ne manque pas de souffler Yvan Perrin: «C’est calamiteux. Pendant que Doris Leuthard courtise la Chine, Micheline Calmy-Rey nous entraîne vers les Etats-Unis. Elles devraient se parler!»
La Suisse s’éloigne donc pour les deux Ouïgours de Guantánamo. Quant à l’ex-détenu ouzbek, qui sera accueilli à Genève, une rumeur affirmait hier soir qu’il se trouvait déjà en Suisse. Le Département de justice et police dément formellement, tout comme François Longchamp, le ministre genevois, sur les ondes de la RSR
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