Asile: Lugano fait plier le canton
Le maire de Lugano a obtenu le départ d’un groupe de requérants érythréens hébergés au centre-ville. Polémique
«Si les requérants logés à l’hôtel garni San Carlo sur la Via Nassa ne quittent pas les lieux dans les 24 heures, nous les ferons partir nous-mêmes!» C’était l’ultimatum, lancé à la fin de la semaine dernière, par le maire de Lugano, Giorgio Giudici (PRD), au gouvernement tessinois, plus précisément à la conseillère d’Etat socialiste Patrizia Pesenti, responsable des Affaires sociales.
Le Tsar, ou le Roi comme on surnomme Giorgio Giudici, n’a pas eu besoin de passer aux actes. Samedi matin, les sept réfugiés concernés, six femmes et un homme venus d’Erythrée, refaisaient leurs valises pour se rendre dans une pension de Bellinzone. Du coup, le calme habituel revenait à la Via Nassa, la «Bahnhofstrasse» de Lugano, où s’alignent boutiques de luxe et bijouteries et où les prostituées russes de luxe font leurs emplettes.
Le torchon brûle
Sur la scène politique, en revanche, le tempête ne faisait que commencer. La Lega et l’UDC rivalisent de critiques contre la politique d’asile du canton, tandis que le Parti socialiste stigmatise l’égoïsme de la Ville de Lugano. Depuis, les déclarations de guerre ont fait place aux tractations, dont l’issue est encore incertaine. La municipalité réclame le droit de donner son avis sur les lieux d’hébergement des requérants et refuse tout placement au centre-ville. Les autorités cantonales estiment qu’elles sont seules compétentes pour décider et font valoir l’état d’urgence qui prévaut au Tessin également. Le bras de fer qui a opposé le canton du Tessin au «demi-canton de Lugano» – selon l’expression chère à Giuliano Bignasca, le chef de la Lega – a au moins eu le mérite de percer l’abcès et de pousser les parties à la table des négociations.
Le problème du manque de places d’accueil pour les requérants est certes récent, mais le torchon brûle depuis longtemps en matière d’asile entre Ville et canton. Le ballet des trafiquants de drogue dans le quartier résidentiel de Besso, sur les hauts de Lugano, à l’entrée nord de la ville, a attisé le feu. La population est exaspérée. L’association «Besso pulita» (Besso propre), qui a soufflé sa première bougie ces derniers jours, en a profité pour réclamer un nouveau tour de vis. Les vendeurs sont pour la plupart des Africains, les acheteurs souvent des riches Italiens du Nord, dont les voitures de luxe ne passent pas inaperçues dans le quartier.
«Des méthodes fascistes»
Or justement, le canton loge à Besso plusieurs requérants dans des appartements et un petit hôtel. Les trafiquants de drogue viennent d’autres communes ou d’autres cantons, affirme le gouvernement. Faux, rétorque la Lega, les dernières razzias de police ont montré que certains habitaient Lugano. Plus circonspecte, la municipalité explique que les vendeurs de drogue sont hébergés par les demandeurs d’asile logés dans le quartier.
Quoi qu’il en soit, les sept Erythréens de la Via Nassa n’ont rien à voir avec le trafic de drogue du quartier Besso. Ils n’ont pas donné non plus lieu à des réclamations. Le gérant a loué au contraire leur comportement discret. Si discret qu’ils sont passés inaperçus pendant deux mois, ironise le Parti socialiste, en dénonçant le «diktat grotesque et les méthodes fascistes» du maire de Lugano.
Giorgio Giudici, réputé pour «tonner» plus que parler, semble avoir voulu donner un grand coup sur la table pour rassurer la population et démontrer son omnipotence. En attendant, le canton planche sur l’aménagement d’abris de la protection civile pour accueillir les requérants que la Confédération lui assigne. Gare à lui si leur emplacement ne plaît pas au Roi de Lugano.
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