mardi 16 septembre 2008

Destination Guinée-Conakry sans passer par la case mariage

LE COURRIER

OLIVIER CHAVAZ - Mardi 16 septembre 2008

Destination Guinée-Conakry sans passer par la case mariage

EXPULSION • Sur le point d'épouser une Suissesse avec qui il a eu un
enfant, un requérant débouté devrait être renvoyé de force la nuit
prochaine.

Cette nuit, un énième vol spécial à destination de l'Afrique de l'Ouest
devrait expulser un groupe de réfugiés jugés indésirables en Suisse. Sur
la liste des passagers, le cas d'Abdoulaye Camara, ressortissant de
Guinée-Conakry âgé de 35 ans, suscite une indignation particulière à la
Ligue suisse des droits de l'homme. Incarcéré à la prison pour étrangers
de Frambois, à Genève, cet ex-requérant d'asile établi dans le canton de
Vaud laissera en effet derrière lui un enfant en bas âge, fruit de sa
relation avec une Suissesse qu'il est sur le point d'épouser. N'ayant
pas respecté son premier délai de départ, l'homme n'obtiendra
vraisemblablement pas de sursis.

Abdoulaye Camara est arrivé en Suisse en 2002. Deux ans plus tard, sa
demande d'asile est rejetée. Susceptible d'être expulsé dès le mois de
mai 2004, il est néanmoins au bénéfice d'une autorisation temporaire
(permis N). En 2005, le Guinéen rencontre et se met en ménage avec sa
compagne actuelle. Un petit garçon naît en avril 2006. Comme les choses
ne sont jamais simples, Abdoulaye Camara n'est alors pas en mesure de
reconnaître son enfant, sa fiancée n'ayant pas encore divorcé à
l'époque. Les concubins se lancent dans une procédure de désaveu en
paternité, dont l'issue, attendue prochainement, ouvrira la voie à la
reconnaissance légale du petit garçon par son véritable père.

Tout se complique pourtant l'automne dernier, lorsque le couple entame
les démarches en vue du mariage. Dans la foulée, en effet, le Service
vaudois de la population le convoque et tente de le convaincre de
s'embarquer sur un vol à la fin du mois d'octobre. «Il n'a bien sûr pas
pris cet avion. On lui donnait quinze jours pour quitter le territoire,
sa future femme et son enfant », indique Florence Rouiller, conseil
juridique d'Abdoulaye Camara. Malgré les obstacles, la procédure de
mariage suit son cours. «Ils n'attendent plus que l'authentification des
documents guinéens», précise Florence Rouiller.

Mais la machine administrative n'a pas tardé à se remettre en marche. Le
3 septembre dernier, la police se présente au domicile du couple et
arrête le Guinéen «devant son fils». Il est depuis emprisonné à
Frambois. L'espoir de ressortir libre est désormais ténu: le recours
contre cette détention administrative, assorti d'une demande urgente de
suspension du renvoi, a été rejeté le lendemain de son dépôt par la
justice vaudoise. «J'attends la décision du Tribunal fédéral. De son
côté, l'Office fédéral des migrations n'est pas entré en matière sur ma
demande de tolérance. Le fait qu'il soit séparé de son fils n'a jamais
été pris en compte», se désole Florence Rouiller.

Pour Orlane Varesano, de la Ligue suisse des droits de l'homme, ce genre
d'affaire tend à se multiplier: «Nous avons déjà eu connaissance de huit
cas similaires depuis le début de l'année, qui sont essentiellement le
fait du canton de Vaud. Cela ressemble à de l'acharnement: M. Camara est
intégré, il a des attaches familiales et n'a jamais eu à faire à la
justice pénale. C'est une entrave au droit au mariage. » «Après le dépôt
d'une demande de mariage, il semblerait que le Service de la population
accélère les procédures de renvoi», confirme Florence Rouiller. Histoire
de décourager les candidats?

Pas du tout, rétorque Denis Pittet, chargé de communication au
Département vaudois de l'intérieur, qui avoue par ailleurs ne pas
connaître les détails du dossier. «C'est relativement clair. Ce monsieur
a refusé de quitter le territoire à temps et il s'est fait arrêter.
Ensuite, la justice a considéré que la question du mariage n'était pas
un argument probant pour éviter l'expulsion. Comme il possède un
passeport valable, il peut tout à fait se marier dans son pays et
revenir ensuite légalement en Suisse.» C'est pourtant simple, non? I

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