Les fameux accords de réadmission qui permettent d’expulser des migrants devenus indésirables restent très difficiles à négocier. Un article signé Cédric Waelti dans 24 Heures.
A Genève, le quai Gustave-Addor est prisé. Par les mamans avec poussettes le jour. Et par les amateurs de cannabis ou de «poudre » le soir. Excédé, le conseiller d’Etat socialiste Laurent Moutinot promet d’ouvrir la chasse aux clients. Pour le reste, le responsable de la police genevoise déplore le fait que nombre de trafiquants d’origine étrangère, sans identité connue, ne soient pas refoulables. Dans une interview publiée dans Le Matin Dimanche, il incitait récemment Berne à conclure davantage d’accords de renvoi avec les «pays d’Afrique du Nord». Rappelons que la signature de ces traités (bilatéraux ou multilatéraux) est souvent un préalable indispensable à l’expulsion. Car nombre de pays refusent d’accueillir leurs expatriés si ceux-ci ne peuvent pas apporter la preuve de leur nationalité. Par ailleurs, d’autres Etats ne tolèrent pas les renvois sous la contrainte.
42 accords signés
A ce jour, la Suisse a paraphé 42 accords de renvoi. C’est peu et le compteur défile lentement. En outre, ces engagements ne concernent qu’une partie des flux migratoires vers notre pays. Ainsi, si le Conseil fédéral a trouvé un terrain d’entente avec les pays de l’ex-Yougoslavie, et plusieurs anciennes Républiques de l’Est, les pays africains rechignent à s’engager sur cette voie.
Les raisons tiennent d’abord au poids économique des émigrés qui transfèrent une bonne partie de leurs revenus vers leur pays d’origine. En 2006, le Fonds international de développement agricole avait calculé que ces montants étaient de 300 milliards de dollars, soit trois fois le montant de l’aide mondiale publique au développement.
Autre problème, qui découle de ce constat, les pays africains sont les premiers à demander, en échange d’un accord, un accès privilégié au marché du travail suisse. En clair, ils souhaitent davantage de visas pour leurs ressortissants et la fixation d’un quota. Une requête jugée inacceptable pour les autorités, qui négocient uniquement sur une base qualitative. «En assouplissant les conditions d’octroi des visas», explique Jonas Montani, porte-parole de l’Office fédéral des migrations (ODM).
Aide au retour négociée
Pour inciter les pays africains à signer des accords, l’ODM utilise donc principalement le levier de l’aide au retour qui comporte plusieurs volets. Outre un forfait individuel versé au migrant (quelques milliers de francs au mieux), des aides structurelles sont mises en place dans les pays. Comme des cours sur les dangers de l’immigration illégale par exemple. Enfin, il existe un dernier type de soutien possible. «Nous finançons aussi des projets concrets qui permettent la réinsertion du migrant dans l’économie locale», ajoute Jonas Montani. Cela peut être l’ouverture d’un commerce.
Toutefois, malgré la volonté d’Eveline Widmer-Schlumpf de poursuivre sur le chemin des accords de réadmission (lire notre édition d’hier), les négociations restent difficiles. Le cas des Etats du Maghreb est emblématique. La mise en place d’accords dans cette région (avec programme d’aide au retour) est l’un des objectifs pour l’année 2008. Ce qui était déjà le cas en… 2003. Dans une réponse à une motion au National, le Conseil fédéral déclarait que «le Maghreb et l’Afrique occidentale » étaient des priorités. Pour justifier la lenteur des négociations, le gouvernement mettait en avant «de profondes divergences en matière d’intérêts compensatoires». Des divergences qui, visiblement, perdurent. «Nous sommes en pourparlers avec le Maroc depuis trois ans, confirme Jonas Montani. Mais nous avons aussi entamé un rapprochement avec la Libye et l’Egypte.» Un accord a également été signé avec l’Algérie, même si les modalités restent à définir. En ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, seuls le Nigeria, la Namibie et le Congo ont donné des garanties.
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