vendredi 18 avril 2008

Genève s'acharne contre les mendiants


Genève, qui s'enorgueillit volontiers d'être la capitale mondiale de l'humanitaire et des droits humains, est à la pointe du combat contre les mendiants. A ce rythme d'hygiénisme urbain, la ville du bout du lac va bientôt disputer la médaille d'or à Pékin, obsédé par la réussite de ses Jeux olympiques.
Pendant que les policiers chinois traquent les éléments indésirables, leurs homologues genevois ont commencé à piocher dans les gobelets des mendiants. Les gendarmes perçoivent ainsi une avance sur les amendes fixées dans la loi. Cette spécificité locale avait été votée en automne dernier par des députés chauffés à blanc. On ignore encore si c'était à cause des mendiants roms qui dormaient sous les ponts ou à cause de l'imminence des élections fédérales.
Maintenant que certains politiciens ont gagné un siège à Berne, le temps des gesticulations est terminé. Pas celui des gitans. Certains des Roms, que Genève avait mis dans le bus pour la Roumanie, sont revenus. C'est bien la preuve que leur criminalisation n'est nullement dissuasive. Comment en serait-il autrement? Leur situation sur place ne s'est en rien améliorée et Bucarest continue de les traiter en citoyens de seconde zone.
Depuis que l'arsenal genevois s'est mis en branle, les montants saisis sur les mendiants ne dépassent pas quelques dizaines de francs, parfois beaucoup moins, comme l'a découvert Le Courrier. On est loin du parrain au volant d'une Mercedes chaperonnant une escouade d'enfants et d'éclopés.
Malgré les faits, le célèbre film d'Emir Kusturica inspire beaucoup la classe politique du bout du lac. A commencer par le procureur général Daniel Zappelli. Tout au long de sa campagne pour sa réélection, le magistrat n'a pas ménagé sa peine afin que la police sévisse contre les mendiants. «Nous avons ici affaire à des réseaux très bien organisés», nous disait-il[1].
Mais les récupérations électoralistes n'expliquent pas tout. A titre d'exemple, le canton et la Ville de Berne ont rejeté l'interdiction de la mendicité. Même chose en Valais où une motion de l'UDC a été balayée. Lausanne se tâte. On comprend donc d'autant plus mal l'acharnement genevois.
Alors que l'UBS annonce des milliards partis en fumée, que la classe politique fait bloc derrière la place financière pour défendre son droit à l'évasion fiscale, la police fait les poches des mendiants. La cité des banques a visiblement de plus en plus de peine à tolérer la vue de la misère. Le centre de Genève ressemble de plus en plus à un décor de carton-pâte, loin du quotidien de ses propres habitants et de la réalité du monde.
Note : [1]Retrouvez l'interview du procureur général sortant dans notre dossier sur les élections judiciaires. (www.lecourrier.ch)

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