samedi 1 décembre 2007

Main tendue , main exclue : la mendicité interdite à Genève


Lire la dépêche de l'ATS
Ecoutez la séquence de Forum sur la première
Lire l'éditorial de Didier Estoppey dans Le Courrier
Il n'y a plus qu'une droite à Genève: celle qui a décrété hier soir au Grand Conseil qu'il fallait désormais bannir la mendicité de la cité des banques. Une droite souvent pétrie d'états d'âme ou de petits calculs lorsqu'il s'agit de se démarquer de l'UDC à l'occasion d'élections. Mais qui a pourtant voté comme un seul homme le projet de loi qui lui a été soufflé par le parti blochérien, avec l'aide de quelques libéraux en quête de survie politique. Tout comme elle a rejeté, dans le même geste de souverain mépris, une motion socialiste demandant un soutien du canton à des projets en faveur des Roms en Roumanie.
Le débat, quoique attendu, fut pitoyable. A l'heure où les derniers Roms roumains, aidés par l'opprobre public et la Croix-Rouge, quittent Genève, bourgeois et populistes gravent leur exclusion dans le marbre légal. Et feignent ainsi de répondre aux peurs de la population, qu'ils ont eux-mêmes largement construites en s'emparant de la mendicité pour gagner des voix. Sans offrir évidemment aucune solution au problème qu'ils prétendent résoudre: la pauvreté est elle aussi fille de la mondialisation. Et on doute fort que Genève, carrefour du monde comme de l'Europe, fasse fuir sur simple décret la misère s'invitant dans ses rues.
Mais la droite genevoise se fiche des réalités. Le nombre d'âneries que ses élus ont proférées hier soir en a donné une preuve accablante. Prétendre, comme l'on fait plusieurs députés, que la mendicité a brutalement explosé depuis la suspension des amendes par le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, en juin dernier, relève de contrevérités crasses: les travailleurs sociaux sont unanimes à constater une stabilité du phénomène depuis trois ans. Et que les amendes infligées en 2005 et 2006 n'ont visiblement eu, a contrario, aucun effet dissuasif.
Il est un mensonge plus grave: celui consistant à prétendre que la droite ne fait que rétablir la situation juridique d'il y a quelques mois. Alors que la nouvelle loi introduit une nouveauté de poids: celle qui permettra à la police de saisir une avance sur amendes aux mendiants. Soit, pour reprendre une formule de Laurent Moutinot, de vider leurs gobelets. On imagine, s'agissant d'une police genevoise souvent décriée, les abus et la part d'arbitraire qui auront désormais statut légal.
L'hygiénisme sécuritaire croit avoir triomphé. En stigmatisant des Roms qui ne sont de loin pas seuls, à Genève, à n'avoir parfois d'autre choix que celui de tendre la main. De recourir à une solidarité privée face aux carences d'un Etat social dépouillé par cette même droite à chaque occasion. Le libéralisme a prétendu hier soir bannir les marges de plus en plus larges du système qu'il produit. Mais les marges réclameront toujours leurs droits.

Sur le même sujet lire l'article de Cynthia Gany dans le Temps
Accusé de s'être «mis en grève», d'avoir «commis une bourde» et de faire preuve de «candeur». Laurent Moutinot, ministre socialiste de la Police genevoise, a été la cible de dures attaques issues des rangs libéraux et UDC, vendredi soir au Grand Conseil. Au terme de joutes émotionnelles, le magistrat a été désavoué dans sa politique de lutte contre la mendicité. Par 53 oui, 30 non et 5 abstentions, les députés ont décidé de revenir sur la décision prise en juin par Laurent Moutinot: le fait de tendre la main est à nouveau illégal à Genève.

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