Lettre de lecteur dans 24heures
Je suis enseignante de français. J’avais un élève qui s’appelait Mirzet
Comic. C’était un jeune père de famille de 27 ans, survivant de Srebrenica
où il avait perdu son père et deux frères. Il avait cherché à mettre à
l’abri sa mère, sa femme et un bébé et avait demandé l’asile en Suisse. En
cinq ans, le petit avait grandi et était scolarisé. Rien ne le différenciait
d’un petit Suisse. Un autre enfant était né. Ils faisaient partie du groupe
dit des «523».
Mirzet était assidu aux cours de français, soucieux de s’intégrer. Quelqu’un
d’aimable, de discret, se sentant profondément responsable des siens. Il
s’est battu pendant des mois avec l’aide d’un avocat pour obtenir l’asile
tant espéré. Mais finalement, des représentants de l’ordre sont venus le
chercher. Et je lis avec stupéfaction qu’il est rentré chez lui, en Bosnie,
«sans contrainte»!
La vérité, c’est qu’on l’a enfermé au centre de détention de Frambois (GE)
pendant cinq jours, lui faisant revivre le traumatisme déjà vécu chez lui:
être séparé des siens. Sa jeune femme a craqué, il a craqué et ils ont signé
l’accord de retour...
Je ne savais pas que la prison — surtout quand on n’a rien fait de mal —
n’est pas une contrainte! Une des pires qui soient, d’ailleurs, par sa
charge anxiogène. Ils on signé, à bout de désespoir et de tristesse. Et ils
sont partis sans faire trop de vagues.
Quelle honte pour ce pays, quelle terrible honte! L’enfant avait repris
l’école. Qu’emportera-t-il dans ses souvenirs? Son père enfermé, sa mère et
sa grand-mère en larmes... Il était trop petit pour se souvenir de
Srebrenica, mais il se souviendra du canton de Vaud!
Ceux qui appliquent aveuglément les ordres ont eu des prédécesseurs.
L’histoire les a jugés.
Véra Tchérémissinoff,
Lausanne
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