Les rebelles ont affirmé avoir lancé jeudi une attaque décisive sur Alep, la grande ville du nord de la Syrie, alors que le HCR prévoit que plus de 700.000 Syriens se seront réfugiés dans les pays voisins fin 2012.
Les secrétaires généraux de l'ONU et de la Ligue arabe, Ban Ki-moon et Nabil al-Arabi, et le médiateur international Lakhdar Brahimi ont de leur côté souligné jeudi le risque de voir la Syrie se transformer en "champ de bataille régional". Dans une vidéo mise en ligne sur YouTube au nom de la Brigade al-Tawhid, la plus importante d'Alep, un homme en civil muni d'un talkie-walkie déclare: "Aujourd'hui, l'attaque contre l'armée d'Assad a commencé sur tous les fronts. (...) la bataille d'Alep sera décisive". Depuis une importante percée effectuée fin juillet, peu après le début des combats dans la capitale économique du pays, les rebelles n'ont plus mené d'offensive d'envergure, notamment en raison du manque d'équipement face à la puissance de feu des forces gouvernementales.
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état "de violents combats" jeudi soir dans les quartiers d'Izaa, Seif al-Dawla (sud-ouest) et d'autres secteurs, auxquels participent des "centaines de combattants" insurgés. Une journaliste de l'AFP a vu des rebelles se regrouper par dizaines dans des écoles du quartier d'Izaa (nord). Armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, des hommes montaient au front coiffés de keffieh de toutes les couleurs, en treillis ou simpement vêtus de t-shirts colorés, selon elle. Pour encourager les troupes, les chefs de différentes unités se montraient rassurants: "Nous avons attaqué l'armée et elle recule", assurent-ils tous dans les talkies-walkies qui leur permettent de rester en contact.
Journée la plus sanglante
Selon l'OSDH, une ONG s'appuyant sur un large réseau de militants, 20 roquettes se sont abattues sur le quartier de Souleimaniyé, dans le centre d'Alep, dont certaines sur la branche de la sécurité politique. Ailleurs dans le pays, l'armée a pilonné plusieurs bastions rebelles dans les provinces de Homs, Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Lattaquié (nord-ouest), et Deir Ezzor (est), selon l'OSDH. Dans la principale région pétrolifère de Syrie, à Hassaka (nord-est), des inconnus ont fait exploser un oléoduc et enlevé le directeur de la station de pompage.
La télévision officielle a en outre rapporté que les forces de sécurité avaient attaqué un "groupe terroriste" dans le quartier insurgé de Jobar à Damas, faisant des "morts et des blessés". Au moins 59 personnes --38 civils (dont cinq enfants), 16 soldats et cinq rebelles-- ont péri jeudi dans les violences en Syrie, selon un bilan provisoire de l'OSDH. Mercredi, au moins 305 personnes, dont 199 civils, avaient été tuées, le bilan plus lourd enregistré en une seule journée depuis le début du conflit il y a 18 mois, selon un décompte de l'OSDH. Un double attentat a notamment frappé le siège de l'état-major de l'armée au coeur de Damas, tuant quatre gardes, une attaque revendiquée successivement par deux groupes jihadistes, "Tajamo Ansar al-islam" et le Front al-Nosra.
700.000 réfugiés selon l'ONU
Le conflit a fait au total plus de 30.000 morts, selon l'OSDH, alors qu'environ deux millions de Syriens manquent de produits de première nécessité, une situation de plus en plus inquiétante à l'approche de l'hiver. Autre signe de l'ampleur du désastre humanitaire, l'ONU a estimé à plus de 700.000 le nombre de Syriens réfugiés dans les pays voisins fin 2012, révisant à la hausse ses besoins, à 487,9 millions USD. Selon le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), plus de 500.000 Syriens ont déjà fui leur pays, dont 75% sont des femmes et des enfants.
En marge de l'Assemblée générale de l'ONU, les Etats-Unis ont demandé au Conseil de sécurité de "tenter une nouvelle fois" de trouver un accord pour mettre fin au conflit, et le chef de la Ligue arabe Nabil al-Arabi a déploré les "désaccords" au sein du Conseil entre partisans d'un départ du président Bachar al-Assad et défenseurs de son régime.
MM. Ban Ki-moon, Nabil al-Arabi et Lakhdar Brahimi craignent, si la violence continue, que la Syrie ne devienne un champ de bataille régional (et) la proie d'acteurs dont les objectifs n'ont rien à voir" avec la crise syrienne. Selon un porte-parole de l'ONU, les trois hommes ont déploré aussi "la férocité des violations des droits de l'homme commises par le gouvernement et l'opposition" et ont demandé que les donateurs contribuent davantage aux opérations humanitaires en Syrie et en faveur des réfugiés dans les pays voisins.
Les Occidentaux et de nombreux pays arabes réclament le départ du président Assad qui veut en finir "à tout prix" avec les rebelles assimilés à des "terroristes", alors que Russes et Chinois refusent toute ingérence dans les affaires de leur allié syrien. Le président russe, Vladimir Poutine, a accusé les Occidentaux d'avoir semé le "chaos" notamment en Syrie. Le blocage de la Russie à toute résolution du Conseil de sécurité de l'ONU est "juste une excuse" dont se sert la communauté internationale pour ne pas aider les Syriens à renverser le président Assad, a estimé de son côté le chef des Frères musulmans de Syrie, Mohammad Riad al-Shakfa, dont la formation constitue une influente composante de l'opposition syrienne.
France 24