samedi 31 décembre 2005
Tu veux finir ton apprentissage? Signe d’abord ton ordre d’expulsion!
Dans 24heures Raphaël Delessert nous explique la situation d'une jeune fille faisant partie des "523":
Menacée de renvoi dans son pays d'origine, Spresa, 19 ans, poursuit un brillant apprentissage à Aigle. Il y a quelques jours, le Service de la population l'a engagée à signer un document l'autorisant à terminer sa formation à la condition qu'elle quitte la Suisse une fois son CFC en poche.
Outrés par une démarche qui, selon eux, relève d'un infâme chantage: Christiane Rithener, députée au Grand Conseil, et Gérard Pella, pasteur à Vevey, parrainent la famille Memetovic depuis le printemps dernier. Un couple et ses trois enfants originaires de Serbie et Monténégro, arrivés en Suisse en 1999, et qui émargent au rang des «523» requérants déboutés par Berne. Aujourd'hui, une petite moitié d'entre eux risquent encore un départ forcé vers leur pays natal.
La famille, établie à Vevey, a déposé sa demande d'asile en mai 1999. Depuis, les parents ont toujours régulièrement travaillé dans notre pays, fait remarquer la députée socialiste. Les deux garçons sont scolarisés tandis que Spresa, l'aînée, a débuté un apprentissage d'employée de commerce à Aigle en été 2004. La jeune fille, aujourd'hui âgée de 19 ans, a obtenu d'excellents résultats aux examens de fin de première année.
Menacés d'expulsion par le canton, les Veveysans d'adoption ont passé plus d'un mois au centre paroissial Sainte-Claire, entourés par les bénévoles de la Coordination Asile Riviera. C'était l'hiver dernier, et la situation s'est calmée depuis; la famille, qui a regagné son appartement, est actuellement au bénéfice d'une autorisation de séjour provisoire et renouvelable.
Coup de tonnerre début décembre: Spresa est convoquée au Service de la population (SPOP), à Lausanne. Là, on lui remet un document qu'elle est priée de signer dans les dix jours. En substance, la jeune fille peut achever son apprentissage à deux conditions: elle devra quitter la Suisse dès la fin de sa formation si la commission suisse de recours en matière d'asile ne l'autorise pas à rester. Elle doit aussi s'engager à subvenir entièrement à son entretien - logement, assurance maladie et nourriture - pendant sa formation.
Soutenue par son patron, Spresa ne paraphe pas la déclaration et envoie un courrier au SPOP, expliquant qu'il lui est impossible de terminer son apprentissage sans le soutien affectif et financier de ses parents. «Sa formation lui tient vraiment à cœur, elle m'a même dit que ça la tuerait de devoir arrêter en cours de route», affirme Christiane Rithener.
Le pasteur Pella est révolté par le procédé: «Il est inhumain de désolidariser ainsi Spresa de ses parents. En admettant qu'ils obtiennent un permis et qu'elle signe ce document, elle devra partir toute seule!»
La députée fustige, elle aussi, la méthode cantonale: «Tout se démantèle alors que des démarches sont en cours au Grand Conseil.»
Contacté, le Service de la population n'a pas voulu prendre position: «Nous ne communiquerons pas sur ce dossier durant les fêtes de fin d'année», indique une collaboratrice.
vendredi 30 décembre 2005
Remboursement à double des requérants d'asile
Deux familles de requérants d'asile domiciliées en Valais réclament le remboursement de montants indûment pris sur leur salaire par le Valais. Elles ont décidé d'engager une procédure et de déposer plainte. Le Conseil fédéral devra aussi s'expliquer.
Les familles veulent démontrer que leur salaire a été ponctionné par le Valais et par Berne sans qu'elles aient eu un moyen de contrôle, a déclaré la députée au Grand Conseil Véronique Barras (PS). Le Conseiller national Stéphane Rossini (PS) appuye la démarche avec une série de questions au Conseil fédéral, a dit Mme Barras, confirmant une information du "Nouvelliste".
Lire la dépêche de l'ATS
Les familles veulent démontrer que leur salaire a été ponctionné par le Valais et par Berne sans qu'elles aient eu un moyen de contrôle, a déclaré la députée au Grand Conseil Véronique Barras (PS). Le Conseiller national Stéphane Rossini (PS) appuye la démarche avec une série de questions au Conseil fédéral, a dit Mme Barras, confirmant une information du "Nouvelliste".
Lire la dépêche de l'ATS
mercredi 28 décembre 2005
Daniel Bolomey engage un dur combat
Dans la revue Coopération, George Plomb tresse des lauriers à Daniel Bolomey:
Daniel Bolomey - secrétaire général d'Amnesty International - a du courage. Avec d'autres, il lance le référendum contre le durcissement des lois fédérales sur l'asile et les étrangers. Plusieurs comités - où se retrouvent des oeuvres d'entraide, des milieux religieux et des partis de centre-gauche - montent au front.
Ce qui choque Bolomey et les siens, c'est la menace de non-entrée en matière qui pèse sur les requérants d'asile ne fournissant pas de papiers d'identité dans les quarante-huit heures. Or, les deux tiers des réfugiés admis en Suisse sont arrivés sans rien. C'est normal.
Dans les régimes répressifs, les personnes persécutées sont souvent privées de papiers par les autorités. Ailleurs, les requérants, fuyant leur pays dans la précipitation, n'ont pas le temps de se procurer des pièces d'identité. Parfois, des passeurs les subtilisent. Les femmes et les enfants issus de sociétés patriarcales - où seul l'homme détient les papiers de la famille - sont aussi très exposés. Certes, le projet entrouvre une porte pour ces cas de rigueur.
Mais Bolomey et ses alliés en redoutent une application restrictive. Quant à la loi sur les étrangers, ils lui reprochent de traiter les requérants comme des criminels (en prolongeant la détention en vue du refoulement), de mal protéger les personnes victimes de violence.
A coup sûr, Daniel Bolomey et les siens réuniront les 50000 signatures qu'il faut. Mais, le plus dur, ce sera de gagner les votations. Depuis vingt ans, les projets officiels de durcissement du droit d'asile et des étrangers sont régulièrement ratifiés par le peuple (on le vérifie en 1987, en 1994, en 1999). Les cantons y sont même généralement unanimes. Dans ce pays, il n'y a pas de combat plus difficile.
Brélaz déçu de la réponse de Blocher
Julien Pidoux dans une brève publiée par 24heures, revient sur la réponse du CF aux inquiétudes de la ville de Lausanne quant à la révision de la loi sur l'asile.
Suite à une requête des élus, la Municipalité de la capitale vaudoise s’était adressée au Département fédéral de justice et police pour faire part d‘inquiétudes liées à la révision de la loi sur l’asile. Elle craint que la suppression de l’aide aux demandeurs d’asile déboutés ne les contraigne à affluer vers les villes.
Les propos de Christoph Blocher ne sont pas pour rassurer les élus lausannois. Dans sa réponse aux autorités, le chef du Département fédéral de justice et police n’apporte guère de solutions à leurs préoccupations, évoquées dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile.
S’appuyant sur son expérience dans l’accueil des personnes faisant l’objet d’une décision exécutoire de non-entrée en matière (NEM), Lausanne craint que la suppression de toute aide aux demandeurs d’asile déboutés entraîne également une concentration de migrants en situation irrégulière dans les grandes localités, ainsi qu’une augmentation des charges des instances qui doivent délivrer les prestations minima-les.
Christoph Blocher explique pour sa part que «cette préoccupation avait déjà été évoquée avant l’entrée en vigueur des non-entrées en matière pour les requérants d’asile. A ce titre, il faut relever que le monitoring effectué dans le cadre des NEM ne confirme pas la catastrophe redoutée par les villes suisses en matière de coût et de criminalité. » De son côté, si le syndic lausannois Daniel Brélaz n’est pas surpris du discours tenu par Conseiller fédéral, il ne cache pas une certaine déception: «Je suis de ceux qui pensent qu’il faut croire aux miracles, mais cela dépend encore lesquels.» Rappelons que les Chambres fédérales n’ont pas retenu la proposition d’une phase transitoire de trois ans, au terme de laquelle le forfait unique de 5000 francs par personne déboutée aurait été versé aux cantons. En rejetant cette option, les parlementaires ont décidé d’étendre la suppression prévue à tous les requérants d’asile déboutés, y compris les individus dont la décision est entrée en force avant l’adoption de la loi. Ils ont opté pour une accélération du processus et décidé que le versement d’un forfait unique de 15 000 francs pour les anciens cas était suffisant. Un référendum national a été lancé.
Suite à une requête des élus, la Municipalité de la capitale vaudoise s’était adressée au Département fédéral de justice et police pour faire part d‘inquiétudes liées à la révision de la loi sur l’asile. Elle craint que la suppression de l’aide aux demandeurs d’asile déboutés ne les contraigne à affluer vers les villes.
Les propos de Christoph Blocher ne sont pas pour rassurer les élus lausannois. Dans sa réponse aux autorités, le chef du Département fédéral de justice et police n’apporte guère de solutions à leurs préoccupations, évoquées dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile.
S’appuyant sur son expérience dans l’accueil des personnes faisant l’objet d’une décision exécutoire de non-entrée en matière (NEM), Lausanne craint que la suppression de toute aide aux demandeurs d’asile déboutés entraîne également une concentration de migrants en situation irrégulière dans les grandes localités, ainsi qu’une augmentation des charges des instances qui doivent délivrer les prestations minima-les.
Christoph Blocher explique pour sa part que «cette préoccupation avait déjà été évoquée avant l’entrée en vigueur des non-entrées en matière pour les requérants d’asile. A ce titre, il faut relever que le monitoring effectué dans le cadre des NEM ne confirme pas la catastrophe redoutée par les villes suisses en matière de coût et de criminalité. » De son côté, si le syndic lausannois Daniel Brélaz n’est pas surpris du discours tenu par Conseiller fédéral, il ne cache pas une certaine déception: «Je suis de ceux qui pensent qu’il faut croire aux miracles, mais cela dépend encore lesquels.» Rappelons que les Chambres fédérales n’ont pas retenu la proposition d’une phase transitoire de trois ans, au terme de laquelle le forfait unique de 5000 francs par personne déboutée aurait été versé aux cantons. En rejetant cette option, les parlementaires ont décidé d’étendre la suppression prévue à tous les requérants d’asile déboutés, y compris les individus dont la décision est entrée en force avant l’adoption de la loi. Ils ont opté pour une accélération du processus et décidé que le versement d’un forfait unique de 15 000 francs pour les anciens cas était suffisant. Un référendum national a été lancé.
Lancement de la récolte de signatures contre la Loi sur l'asile
La récolte des signatures pour les deux referendums contre la Loi fédérale sur l'asile révisée (LAsi) et la nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) a commencé. La gauche et des dizaines d'oeuvres d'entraide et les Eglises ont jusqu'au 6 avril pour réunir les 50'000 paraphes nécessaires.
La commission Justice et Paix de la conférence des évêques suisses, l'Entraide protestante Suisse / EPER, l'Association des Centres Sociaux Protestants / CSP, la Fédération suisse des femmes protestantes FSFP et la Ligue suisse des femmes catholiques, Caritas-Suisse, l'OSAR, Terre des Hommes, Amnesty Section suisse s'opposent au durcissement de la Loi sur l'asile.
Lire la dépêche de l'agence KIPA-APIC
La commission Justice et Paix de la conférence des évêques suisses, l'Entraide protestante Suisse / EPER, l'Association des Centres Sociaux Protestants / CSP, la Fédération suisse des femmes protestantes FSFP et la Ligue suisse des femmes catholiques, Caritas-Suisse, l'OSAR, Terre des Hommes, Amnesty Section suisse s'opposent au durcissement de la Loi sur l'asile.
Lire la dépêche de l'agence KIPA-APIC
mardi 27 décembre 2005
La famille Jakupi n’a pas eu le Noël de tout le monde
Anne-Romaine Favre Zuppinger dans le journal "La Côte" revient sur la situation de cette famille de requérants déboutés habitant Morges, ce texte et les photos de Jeanne Gerster sont le fruit d'un travail d'accompagnement de la famille depuis plusieurs mois:
Nous nous trouvons dans l’obligation de vous demander de mettre un terme aux rapports de travail qui vous lient à Monsieur Jakupi d’ici au 31 décembre au plus tard. Fin novembre, la nouvelle tombe : pour faciliter le renvoi au Kosovo de Bajram Jakupi, son patron, Michel Conne, est sommé par la Division Asile du Service de la population de l’Etat de Vaud (SPOP) de congédier son employé, sans quoi il fera l’objet de sanctions. C’est la consternation, l’amertume et comme un goût de déjà vécu chez cet ouvrier couvreur établi à Morges avec sa famille. Bajram se souvient d’août 2004 où, pour la première fois, il a fallu vider l’appartement et entreposer les meubles chez des amis , pour ne garder que le minimum, des matelas, une table et trois chaises, pour le cas où la police débarquerait dans la nuit.
Dans ces moments difficiles, son patron était déjà à ses côtés. Jusqu’à aujourd’hui, son soutien n’a pas failli. Les coups de fil à la Caisse patronale et au syndicat, même si cela ne se fait normalement pas, réussissent à mobiliser Eric Voruz, le syndic de Morges, prêt à se battre avec conviction pour un habitant de sa commune. Grâce à cette solidarité, le renvoi de Bajram est momentanément suspendu. Comme pour ne pas l’oublier, on avait inscrit dans son permis: exécution du renvoi en suspens. Cela a duré une année, puis les peurs ont ressurgi avec l’annonce d’un possible licenciement en fin d’année. Mais le patron fait à nouveau front: Bajram est une personne de confiance et un bosseur. Je me bats pour qu’il soit traité humainement.
Il donne un coup de main pour organiser la fête de lutte
Il ajoute que son employé est parfaitement intégré. Exemples parlants: Il ne rechigne pas à donner un coup de main pour l’organisation de la Fête cantonale de lutte ou encore à venir, après ses heures de travail, pour servir des raclettes aux clients de l’entreprise.Bajram surenchérit: J’aime mon pays, même si j’ai dû m’enfuir en 1992, durant la guerre de Yougoslavie, pour ne pas être enrôlé de force dans l’armée. Depuis, je me suis adapté à la Suisse, sinon je ne serais pas resté. Cela aurait été trop difficile. Douze ans déjà qu’il vit chez nous. De la fierté dans les yeux, il raconte comment il s’est débrouillé sans jamais recevoir l’aide sociale et a acquis son indépendance grâce à ses années de travail. Il peut nourir sa femme et ses trois enfants, même si certains mois sont parfois, plus que d’autres, durs à boucler.
S’il est licencié et qu’il reste en Suisse encore quelque temps, il sera assurément à la charge de la collectivité, ce qui réduirait à néant tout ce qu’il a construit jusqu’à présent. Un mélange de crainte et de colère se lit alors sur son visage...
Pas de cadeaux, mais un sapin pour les enfants
Cette année, il n’y a pas eu de cadeaux de Noël chez les Jakupi, mais un sapin, quand même, pour les enfants.
Ils n’ont pas à souffrir de ce qu’on vit, surtout pas maintenant, dit Bajram, la voix émue. Il regarde par la fenêtre et se demande ce qui l’attend au Kosovo, lui, sa femme et ses trois enfants de 3, 5 et 7 ans. Il n’y a plus personne au pays, nulle part où aller et l’autre matin, le thermomètre affichait -10°C à Pristina en plus des 70 centimètres de neige tombés la nuit.
On est alors en droit de se demander si au SPOP, on aura l’audace de souhaiter aux Jakupi un bon retour au pays pour la nouvelle année.
Durcissement du droit d'asile: la récolte de signatures commence
La gauche et les organisations qui s'opposent au durcissement du droit d'asile et des étrangers peuvent démarrer la récolte des signatures pour leurs référendums. Elles ont jusqu'au 6 avril pour réunir les 50 000 paraphes nécessaires
Lire la dépêche de l'ATS
Lire la dépêche de l'ATS
lundi 26 décembre 2005
Les évêques contre le durcissement de la loi sur l'asile
L'évêque de Coire et président de la Conférence des évêques suisses, Mgr Amédée Grab, veut s'engager contre le durcissement de la loi sur l'asile. Il n'est pas question de s'entendre avec le Parti démocrate-chrétien pour observer un »silence radio» à ce sujet, a affirmé le prélat dans une interview à la «NZZ am Sonntag».
»Je souhaiterais que le Conseil fédéral opte pour une politique d'asile qui corresponde à la tradition humanitaire et chrétienne de la Suisse», a répondu Amédée Grab à la question de savoir ce que le gouvernement pourrait lui offrir comme cadeau de Noël. Le président de la Conférence des évêques suisses a aussi précisé sa position à ce sujet par rapport au PDC. Dans le cadre de la rencontre avec le parti au début de l'an prochain, les évêques ne sont pas d'accord de ne pas s'exprimer sur la loi sur l'asile et le référendum annoncé.
Lire la dépêche d'AP
dimanche 25 décembre 2005
J'aurais honte en regardant la crèche
Lu dans le courrier des lecteurs de 24heures, cette lettre d'Anne-Claude Rossier Ramuz,pasteur Clarens.
A la veille de Noël, des pères de famille, des travailleuses et travailleurs parmi les requérants déboutés du groupe des «523» reçoivent une lettre leur signifiant qu'ils n'auront plus l'autorisation de travailler l'année prochaine. Une mesure inique de plus pour leur faire comprendre qu'il n'y a plus de place ici pour eux.
Trop de chômage, trop de demandes d'aide sociale, trop de restrictions économiques. Non, c'est certain, il n'y a plus de place ici.
Ça me rappelle cette vieille histoire qu'on écoute à Noël, distraitement, entre deux copieux repas en famille, entre trois listes d'achats qui ne peuvent pas attendre, entre quelques B. A. qui soulageront nos consciences pour l'année à venir.
Dans cette vieille histoire, un père de famille exilé voit sa femme accoucher dans une étable parce qu'il n'y avait plus de place ailleurs. La tradition bienveillante a ajouté un âne et un bœuf pour leur apporter un peu de chaleur. Aujourd'hui, dans l'histoire des «523», non seulement il n'y a plus de place pour ces familles et ces travailleurs sans statut, mais on ajoute à leur angoisse quotidienne le vent glacial de mesures iniques et inhumaines.
Cette année, en contemplant la crèche, je penserai à ces voisins venus d'ailleurs et j'aurai vraiment honte.
A la veille de Noël, des pères de famille, des travailleuses et travailleurs parmi les requérants déboutés du groupe des «523» reçoivent une lettre leur signifiant qu'ils n'auront plus l'autorisation de travailler l'année prochaine. Une mesure inique de plus pour leur faire comprendre qu'il n'y a plus de place ici pour eux.
Trop de chômage, trop de demandes d'aide sociale, trop de restrictions économiques. Non, c'est certain, il n'y a plus de place ici.
Ça me rappelle cette vieille histoire qu'on écoute à Noël, distraitement, entre deux copieux repas en famille, entre trois listes d'achats qui ne peuvent pas attendre, entre quelques B. A. qui soulageront nos consciences pour l'année à venir.
Dans cette vieille histoire, un père de famille exilé voit sa femme accoucher dans une étable parce qu'il n'y avait plus de place ailleurs. La tradition bienveillante a ajouté un âne et un bœuf pour leur apporter un peu de chaleur. Aujourd'hui, dans l'histoire des «523», non seulement il n'y a plus de place pour ces familles et ces travailleurs sans statut, mais on ajoute à leur angoisse quotidienne le vent glacial de mesures iniques et inhumaines.
Cette année, en contemplant la crèche, je penserai à ces voisins venus d'ailleurs et j'aurai vraiment honte.
samedi 24 décembre 2005
Dans le salon des presque fantômes
A l'issue du magnifique projet de 24heures voici les mots de conclusion d'une des journalistes qui s'est engagée corps et âme dans cette aventure.
Chaque jour de décembre, respirer un grand coup avant de pousser la porte du petit appartement. Entrer dans une famille, toucher la main d’un célibataire. S’asseoir dans le salon exigu et meublé de pas grand-chose, qui fait souvent office de chambre à coucher. Et boire le café, le Fanta, jouer avec les petits.
Et surtout, écouter. Tenter de faire mieux connaissance avec ces requérants d’asile déboutés, résidant dans le canton depuis de nombreuses années. C’était le but de ce «calendrier de l’Avent» un peu particulier dont la dernière porte s’ouvre aujourd’hui. Comment vit au quotidien cette population en sursis, propulsée au coeur d’un débat politique qui déchire le canton? Difficile de résumer sur un petit feuillet de calendrier, les conversations, les larmes, les coups de gueule auxquels nous avons assisté tous ces jours de décembre. Dur aussi de rester stoïque face au désarroi souvent oppressant… Les histoires qui se racontent, souvent maladroitement devant nos yeux, ont un point commun: l’angoisse de voir sa vie une nouvelle fois brisée par un renvoi. La crainte d’apparaître dans le journal a également été maintes fois évoquée. «Ça va nous retomber dessus?» demandent certains. La peur au ventre, deux femmes nous demanderont de masquer leur visage sur les photos. Ne pas faire de vagues, raser les murs, vivre à demi est devenu une seconde nature pour ces presque fantômes.
Souvenez-vous, le 1er décembre, Selvira Vejapi, 10 ans, de Vevey. Touchante par sa (trop grande) maturité, la fillette parlait avec amour de son père, incarcéré pendant un mois au Centre de Frambois, et disait sa peur de la police. Derrière «les Kosovars », on voit soudain une famille unie et aux abois. Le 21 décembre, on découvrait Seble Wolde, cette Ethiopienne, maman d’une petite fille de quelques mois qui se débrouille seule à Yverdon: son mari, requérant d’asile lui aussi, est assigné au canton d’Argovie.
Dans tous les foyers, l’interdiction de travailler décidée ce printemps par le Conseil d’Etat est une «catastrophe». Si certains patrons résistent et se refusent à licencier les déboutés, d’autres ont obéi. L’inactivité est alors mortifère. Pour tous. «On tourne en rond, on devient fous», entend- on partout. «Le travail, c’est la dignité», poursuivent les anciens plâtriers, garçons de buffet, blanchisseuses ou femmes de chambre. La honte de passer pour des profiteurs, l’humiliation au moment d’encaisser à nouveau l’argent de la Fareas… Malgré cela et tout le reste, les déboutés ne semblent pas prêts à lâcher le petit bout d’existence qu’ils ont construit loin de chez eux.
MARTINE CLERC
Chaque jour de décembre, respirer un grand coup avant de pousser la porte du petit appartement. Entrer dans une famille, toucher la main d’un célibataire. S’asseoir dans le salon exigu et meublé de pas grand-chose, qui fait souvent office de chambre à coucher. Et boire le café, le Fanta, jouer avec les petits.
Et surtout, écouter. Tenter de faire mieux connaissance avec ces requérants d’asile déboutés, résidant dans le canton depuis de nombreuses années. C’était le but de ce «calendrier de l’Avent» un peu particulier dont la dernière porte s’ouvre aujourd’hui. Comment vit au quotidien cette population en sursis, propulsée au coeur d’un débat politique qui déchire le canton? Difficile de résumer sur un petit feuillet de calendrier, les conversations, les larmes, les coups de gueule auxquels nous avons assisté tous ces jours de décembre. Dur aussi de rester stoïque face au désarroi souvent oppressant… Les histoires qui se racontent, souvent maladroitement devant nos yeux, ont un point commun: l’angoisse de voir sa vie une nouvelle fois brisée par un renvoi. La crainte d’apparaître dans le journal a également été maintes fois évoquée. «Ça va nous retomber dessus?» demandent certains. La peur au ventre, deux femmes nous demanderont de masquer leur visage sur les photos. Ne pas faire de vagues, raser les murs, vivre à demi est devenu une seconde nature pour ces presque fantômes.
Souvenez-vous, le 1er décembre, Selvira Vejapi, 10 ans, de Vevey. Touchante par sa (trop grande) maturité, la fillette parlait avec amour de son père, incarcéré pendant un mois au Centre de Frambois, et disait sa peur de la police. Derrière «les Kosovars », on voit soudain une famille unie et aux abois. Le 21 décembre, on découvrait Seble Wolde, cette Ethiopienne, maman d’une petite fille de quelques mois qui se débrouille seule à Yverdon: son mari, requérant d’asile lui aussi, est assigné au canton d’Argovie.
Dans tous les foyers, l’interdiction de travailler décidée ce printemps par le Conseil d’Etat est une «catastrophe». Si certains patrons résistent et se refusent à licencier les déboutés, d’autres ont obéi. L’inactivité est alors mortifère. Pour tous. «On tourne en rond, on devient fous», entend- on partout. «Le travail, c’est la dignité», poursuivent les anciens plâtriers, garçons de buffet, blanchisseuses ou femmes de chambre. La honte de passer pour des profiteurs, l’humiliation au moment d’encaisser à nouveau l’argent de la Fareas… Malgré cela et tout le reste, les déboutés ne semblent pas prêts à lâcher le petit bout d’existence qu’ils ont construit loin de chez eux.
MARTINE CLERC
Davit Kidane. De l’Ethiopie à Lausanne
La multitude de lumières du Lausanne Palace va bien avec l’éclat du regard de Davit Kidane. Des deux côtés, ça pétille. Après neuf ans passés en Suisse et presque autant comme employé dans de grands hôtels, l’Ethiopien vient d’obtenir une admission provisoire. «Ça ne va rien changer, sauf que j’ai enfin le droit de travailler», lâche-t-il, avec un immense sourire. Depuis cinq ans, il s’occupe du nettoyage au Lausanne Palace. «Je voudrais remercier les gens de l’hôtel, ils m’ont soutenu et aidé, et ne m’ont pas licencié malgré mon interdiction de travail. » Davit Kidane respire. Sa femme aussi puisqu’elle a également décroché le sésame. Il se réjouit de pouvoir un jour voyager en Europe, à la recherche de ses frères et soeurs dont il n’a plus de nouvelles. «Neuf ans en Suisse, sans rien du tout, c’était dur.»
Texte de MARTINE CLERC, photo d'Odile Meylan
Lien vers la description du projet de 24heures
Hélène Küng, l'aumônière des requérants
Dans 24heures du 24 décembre, se trouve cette présentation d'Hélène Küng, l'aumônière de la CERA à Vallorbe.
Elle est sur tous les fronts quand il s’agit de défendre le droit d’asile. Sur son vélo chargé d’une caisse de banderoles, la pasteure Küng pédale dans les rues lausannoises, d’une assemblée à une manifestation.
Mardi dernier, elle jouait un Roi mage au sein d’une crèche vivante mise sur pied à la Riponne avec la Coordination Asile. Il s’agissait, une fois encore, de sensibiliser les élus et la population au sort des requérants déboutés. «Ce qui choque pour Marie et Joseph choque aussi pour les requérants», disent les pancartes. Hélène Küng regarde les députés droit dans les yeux. L’air doux, mais pas dupe, avec un sens aigu de la repartie.
S’engager aux côtés des réfugiés est une évidence pour cette pasteure qui a vécu six ans au Rwanda, puis s’est mobilisée pour les femmes bosniaques et les demandeurs d’asile pendant la guerre en ex-Yougoslavie.
«Chrétienne de gauche.» C’est sous cette bannière qu’Hélène Küng, 48 ans, allie foi et engagement militant. «Quand j’étais étudiante, je fréquentais déjà beaucoup les milieux de gauche, des Magasins du Monde à Amnesty International. J’étais plus souvent avec les militants qu’à l’église!» rit-elle. Aujourd’hui, elle occupe un poste à mi-temps d’aumônière au Centre fédéral d’enregistrement pour requérants d’asile à Vallorbe et multiplie les activités bénévoles. «Même si la religion ne peut se réduire à un courant politique, Dieu est plutôt avec les faibles que du côté des puissants. Le message de l’Evangile est clairement antidiscriminatoire.»
Sa famille, son moteur
Malgré les lettres anonymes qui lui reprochent d’en faire trop pour les étrangers, Hélène Küng, pourtant émotive, n’en démord pas. Son mari — lui aussi pasteur — et ses quatre enfants (adolescents et adultes) sont des moteurs. «On se croise à certains repas, et on refait le monde à des heures tardives. Il n’y a pas de reproches, plutôt des taquineries », sourit-elle.
Etre femme pasteur? «Je n’ai pas reçu beaucoup de remarques machistes. Il faut dire que nous étions déjà un quart d’étudiantes en Faculté de théologie. Mais je me considère féministe. Trop de mes soeurs sont victimes de discriminations dans l’Eglise, la po- litique ou ailleurs.» L’arme pacifique d’Hélène Küng, c’est le verbe et la mise en scène. «J’aime prêcher, et le faire de façon originale. Ça fait partie de notre métier de troubadour. Les pasteurs, nous sommes des passeurs de parole, entre l’artiste de foire et le poète. Le but est d’intéresser les gens et de les déculpabiliser!» En cette fin d’année, Hélène Küng ressent la fatigue de longs mois de mobilisation pour l’asile. «Je dois mettre un coup de frein. Je vais essayer de faire moins de choses, mais mieux.» L’hyperactive a même trouvé le temps de publier Un jour à ne pas manquer et autres contes de Noël.
Inspirées de la Bible et nourries par l’actualité, ses histoires montrent, avec humour parfois, que Noël peut s’écrire dans des climats de violence. Que c’est une fête de l’espoir. «Noël, ce n’est pas qu’une histoire de flocons, de cannelle et de petits rennes!» lâche la pasteure dans un clin d’oeil, enfourchant son vélo en route vers une nouvelle bataille solidaire.
Lire aussi le communiqué de catholink
Ou un article dans profil de liberté
Pour commander le livre
vendredi 23 décembre 2005
Conchita ne passera pas les fêtes en Suisse
Rebaptisée avec un prénom fictif de circonstance pour une clandestine bien réelle, Conchita a été arrêtée en novembre et expulsée de Suisse trois jours plus tard.
Après avoir fait des ménages en Suisse pendant dix ans, elle ne laisse que des regrets derrière elle. Sauf peut-être pour la personne qui l'a dénoncée anonymement.
Lire la suite du dossier de Swissinfo
Après avoir fait des ménages en Suisse pendant dix ans, elle ne laisse que des regrets derrière elle. Sauf peut-être pour la personne qui l'a dénoncée anonymement.
Lire la suite du dossier de Swissinfo
Fatush Ismajli. Du Kosovo à Lausanne.
Fatush Ismajli ne parle pas beaucoup. Les dialogues des personnages des séries télé américaines se chargent de remplir son petit salon. Cet après-midi-là, la jeune femme a congé. «Normalement, je suis extra au Palace de Montreux, et j’ai plus d’heures de travail. Mais en décembre, c’est calme», regrette-t-elle. Fatush Ismajli aimerait travailler davantage, creuser son trou en Suisse et, un jour, y fonder une famille. «Au Kosovo, à mon âge, toutes les filles sont mariées. Les femmes seules n’ont pas de valeur, n’ont pas de liberté.» Voir paraître sa photo et s’exprimer dans les médias l’angoissent énormément. «Est-ce que ça ne va pas me retomber dessus?» Timide, la jeune femme dit vouloir améliorer son français. «Mais c’est difficile. Deux fois, j’ai fait mes valises, j’ai cru que je ne reverrais plus la Suisse. Ce n’est pas évident de s’impliquer dans un apprentissage.»
Texte de MARTINE CLERC, photo de Odile Meylan
Lien vers la description du projet de 24heures
Deux référendums sont lancés pour contrer les deux «lois Blocher»
Lire l'article de François Nussbaum dans Le Courrier et La Liberté
Lire le commentaire de François Nussbaum:
La cohérence
plutôt que
la tactique
FRANÇOIS NUSSBAUM
Le comité référendaire réuni autour des verts n’a pas hésité à s’attaquer simultanément à la révision du droit d’asile et du droit des étrangers.Parce qu’elles
procèdent toutes deux de la même vision (le moins d’étrangers possible),qu’elles font appel aux mêmes instruments (dissuasion et contrainte),une vision et des instruments à la fois hypocrites et illusoires. Le Parti socialiste, lui, a pris la tête du référendum sur le droit d’asile,prêt à «sacrifier» celui sur les étrangers pour des raisons d’efficacité.En ciblant la campagne sur l’attaque contre les droits fondamentaux, on évitait un débat général sur l’immigration et tous les amalgames chers à la droite nationaliste. Avec de meilleures chances lors du scrutin, l’an prochain. Comme il ne fallait pas risquer une division des forces, la situation a dû se clarifier rapidement.Une semaine après le vote final des Chambres sur ces révisions (vendredi dernier),la campagne portera donc sur les deux objets,avec l’opposition de toute la gauche, des syndicats,des oeuvres d’entraide et de la plupart des groupements proches des Eglises. Aura-t-on, pour autant, un débat de
société sur la politique migratoire? Un débat qui porterait à la fois sur le respect
du droit humanitaire et sur les besoins de l’économie, voire sur la nécessité pour la Suisse – affirmée par l’OCDE – de s’ouvrir davantage à l’immigration pour ne pas voir sa population vieillir et diminuer,comme c’est déjà le cas?
On peut en douter.Et craindre que la campagne n’oppose que le populisme des partis nationalistes et une gauche taxée d’angélisme, puisque le centre droit n’aura d’autre choix que d’assumer son suivisme de l’UDC ou de tenter un discours modéré et rassurant,mais incohérent par rapport à son vote aux Chambres.Et l’économie ne s’en mêlera pas.On s’engagera donc, pour plusieurs années, dans une politique migratoire
qu’il sera difficile d’appliquer,qu’il faudra contourner ou changer, et qu’il faudra expliquer aux générations futures.Sombres perspectives.
Angoisse de Dejana Rakita, Suissesse en sursis
L'athlète, championne Suisse de triple saut à trois reprise, risque l'expulsion en vertu des règles absurdes contre les "faux mariages".
Lire l'article de Stéphane Devaux dans l'Express
Lire l'article de Pierre-Emmanuel Buss dans Le Temps
Extraits
Le regard las, les traits tirés, Dejana Rakita n'est plus que l'ombre d'elle-même. Cinq fois championne de Suisse de triple saut, cette Suissesse d'origine serbe de 37 ans, naturalisée en juillet 2000, vit un cauchemar depuis que l'Office fédéral des migrations (ODM) a décidé d'annuler sa naturalisation, le 14 juin dernier. Motifs invoqués: une situation familiale «non stable» et des soupçons de mariage blanc.
Article de Stéphane Devaux
Devenue Suissesse par mariage, Dejana Rakita - ex-Cachot - a fait gagner l'athlétisme helvétique. Aujourd'hui, on lui retire son passeport. Elle aurait abusé du système
En 2001, Dejana Cachot décroche son cinquième titre de championne de Suisse. Sous le maillot rouge de l'équipe nationale, l'athlète du CEP Cortaillod termine deux fois deuxième en Coupe d'Europe: 6m50 en longueur, 13m50 au triple saut. Sans un vent trop généreux sur le stade de Nicosie (Chypre), ce bond serait encore record de Suisse.
Quatre ans et demi plus tard, Dejana, 37 ans, a repris son nom: Rakita. Elle a divorcé de l'homme qu'elle avait épousé en décembre 1995, neuf mois après son arrivée comme réfugiée. Dejana était serbe, elle a quitté Belgrade pendant la guerre. En juillet 2000, elle est devenue suisse. Une procédure de naturalisation facilitée, sûrement accélérée par la volonté de la Fédération suisse d'athlétisme de la voir sauter pour ses couleurs.
Décision arbitraire
Or, aujourd'hui, la jeune femme est menacée de perdre sa nationalité suisse. Officiellement, elle l'a déjà perdue. Le 14 juin, l'Office fédéral des migrations (ODM) a rendu une décision «d'annulation de la naturalisation». Suspendue dans l'attente de la réponse au recours qu'a déposé son avocat devant l'Office des recours du Département fédéral de justice et police.
«On est totalement dans l'arbitraire», tonne Me Christophe Schwarb. La décision est tombée quatre ans et onze mois après l'octroi de la nationalité. Or, une annulation ne peut intervenir que dans les cinq ans. «A un mois près, le dossier passait à la poubelle...», soupire-t-il.
Arbitraire et choquant: c'est aussi les qualificatifs qui résument les sentiments de plusieurs personnalités neuchâteloises, comme son entraîneur au CEP, Claude Meisterhans, ou les députés Philippe Haeberli et Bernard Zumsteg. C'est à leur initiative que ces faits ont été rendus publics.
Ce qu'on reproche à Dejana Rakita? Son mariage, «pas constitutif d'une communauté conjugale effective et stable», selon les considérants de l'ODM. C'est vrai, en 1998, son couple allait mal. «Mon mari était hyperjaloux, hyperpossessif», raconte-t-elle, les larmes aux yeux. Ils ont bien signé, cette année-là, une convention de séparation de biens et de charges: «Il ne payait pas nos factures, il me cachait des choses. C'est pour régler cela que nous avons décidé d'agir comme ça.» Mais elle le jure, ils ont continué de vivre sous le même toit, malgré les «conditions épouvantables» qu'il lui faisait subir. Jusqu'à la séparation officielle du couple, en mai 2001. Cinq ans et cinq mois après le mariage.
Et si on lui retire sa nationalité suisse? Pourra-t-elle rester dans le pays de sa petite Mia, née en juin 2002, d'une «relation ultérieure au divorce»? L'avocat s'interroge. Dejana aussi. Pour elle, ce qui lui arrive est d'abord une immense «injustice»: «Je n'ai jamais profité de la Suisse. Au contraire, je travaille à 100% comme physiothérapeute et ma fille passe toutes ses journées à la crèche. Croyez-moi, ce n'est pas un choix.» Philippe Haeberli opine. Et ajoute: «N'avons-nous rien de mieux à faire dans ce pays que du juridisme à tous crins?»
Interview de Daniel Bolomey (Amnesty)
Valérie de Grafenried du Temps interroge le secrétaire général d'Amnesty sur les deux référendums contre les "lex Blocher"
extraits:
...Chez Amnesty, nous étions dès le départ convaincus que nous devions nous concentrer sur l'asile: nous n'avons pas tellement d'alternatives à proposer concernant la loi sur les étrangers. Mais nous soutenons également ce deuxième référendum, notamment à cause de l'aggravation des mesures de contrainte (la durée maximale de détention pour insoumission par exemple, est passée de un à deux ans, ndlr). Pour la campagne sur l'asile, Amnesty a décidé de consacrer 100 000 francs de son budget 2006. Et nous paierons les frais liés aux signatures que nous récolterons pour le référendum contre la loi sur les étrangers. Car il est évident que nous allons demander à nos membres et sympathisants de signer les deux référendums....
extraits:
...Chez Amnesty, nous étions dès le départ convaincus que nous devions nous concentrer sur l'asile: nous n'avons pas tellement d'alternatives à proposer concernant la loi sur les étrangers. Mais nous soutenons également ce deuxième référendum, notamment à cause de l'aggravation des mesures de contrainte (la durée maximale de détention pour insoumission par exemple, est passée de un à deux ans, ndlr). Pour la campagne sur l'asile, Amnesty a décidé de consacrer 100 000 francs de son budget 2006. Et nous paierons les frais liés aux signatures que nous récolterons pour le référendum contre la loi sur les étrangers. Car il est évident que nous allons demander à nos membres et sympathisants de signer les deux référendums....
Sans-papiers à Genève, un an d'enlisement
Antoine Grosjean dans La Tribune de Genève fait le bilan des résultats de la démarche genevoise en faveur des sans-papiers: pas grand chose...
Un pas en avant, deux en arrière. La demande de régularisation des clandestins genevois n'avance pas. Au contraire. Le durcissement de la Loi sur les étrangers, que le parlement vient de boucler, ne laisse que peu de place à l'espoir. A moins que... Maintenant que la loi est sous toit, peut-être le climat sera-t-il plus serein pour aborder enfin le débat politique sur les sans-papiers?
Pour l'instant, le gouvernement genevois est bien seul dans sa démarche. Il y a bientôt une année qu'il demandait au Conseil fédéral de régulariser 5600 étrangers travaillant illégalement comme employés de maison à Genève. Depuis, aucun autre canton ne s'est engouffré dans la brèche. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir multiplié les contacts bilatéraux afin de trouver des alliés. Peine perdue.
A l'instar de Zurich, beaucoup de cantons nient purement et simplement la pro- blématique des sans-papiers. Le rapport publié en avril par les services mêmes de Christoph Blocher - faisant état de 100 000 clandestins vivant en Suisse - semble avoir été aussitôt oublié. Politiquement, ni la gauche, ni les organisations de solidarité avec les sans-papiers, déjà absorbées par les référendums contre les lois sur l'asile et sur les étrangers, ne sont pressées de tendre une telle perche à une UDC triomphante.
La balle est dans le camp genevois
De son côté, le ministre de Justice et Police a toujours fait savoir qu'il était par principe opposé aux régularisations collectives, leur préférant l'examen des dossiers au cas par cas, comme le prévoit la législation. Christoph Blocher craint qu'une régularisation collective ne fasse appel d'air. La ligne dure choisie par le parlement ne fait que renforcer le conseiller fédéral dans sa position. Les cartes sont actuellement entre les mains des autorités genevoises.
Après plusieurs rencontres avec le conseiller fédéral ou ses services - la dernière ayant eu lieu en octobre - le Conseil d'Etat, qui a entre-temps changé de composition, doit revenir à Berne début 2006 avec de nouvelles propositions. Mais lesquelles? L'essence de la demande genevoise tient dans sa dimension collective, justement au cœur du désaccord avec le Conseil fédéral.
Laurent Moutinot, depuis peu chef du Département genevois des institutions, dont dépend le domaine de l'immigration, semble reposer tous ses espoirs sur une prise de conscience au niveau national: «Les faits sont têtus, mais les choses peuvent évoluer rapidement dans ce domaine. Si la question des clandestins devenait un vrai problème pour Zurich, alors on s'en préoccuperait sans doute à l'échelon national. Toutefois, nous n'arriverons pas à débloquer la situation du premier coup.»
Pour le conseiller d'Etat, cette illégalité semble arranger beaucoup de monde. «Il est tellement plus pratique de fermer les yeux. Personnellement, je trouve inadmissible de tolérer cette situation avec son cortège d'exploitation et d'indignité. La réalité est là: le travail domestique est en partie effectué par des clandestins. Maintenir ces gens dans un statut illégal est indigne.»
La demande genevoise n'est cependant pas encore enterrée. «Elle ne peut pas l'être tant que le débat politique n'a pas eu lieu», souligne la conseillère nationale libérale Martine Brunschwig Graf. L'ex-conseillère d'Etat genevoise, qui à ce titre a mené les négociations avec Berne, ne voit pour l'instant pas de grandes possibilités dans l'action parlementaire. «Les cantons et l'Administration fédérale ne veulent pas voir le problème, malgré le rapport de l'Office fédéral des migrations. Ce déni de réalité, qui en arrange plus d'un, est désolant.»
Pendant ce temps, à Genève, 5600 clandestins continuent à faire des ménages en toute illégalité...
Sus aux "Lex Blocher"
Le commentaire de Raymond Gremaud dans le Journal du Jura est très sceptique sur le bien fondé de ce second référendum:
Le référendum lancé par les socialistes contre la loi sur l'asile ouvrait déjà à l'UDC une autoroute de première classe vers un succès en votation populaire. En combattant de surcroît la loi sur les étrangers, les Verts offrent à l'UDC une autoroute à six pistes vers un triomphe électoral. C'est que, comme le craignaient les socialistes, ce double référendum élargit considérablement le spectre de l'argumentation UDC. Aux slogans dénonçant les abus en matière d'asile, les agrariens ajouteront ainsi ceux s'en prenant à la «surpopulation étrangère». Du coup, on ne donne pas cher des voix idéalistes qui appellent à une sage intégration. Les Verts font mine de se donner des chances supplémentaires en ciblant leur tir contre les «lex Blocher», qualifiées de «populistes et xénophobes». Mais, Christoph Blocher l'a dit au Gurten, il se réjouit de ces référendums, sans doute avec de bonnes raisons (pour lui et son parti). Quant aux étrangers et aux requérants dont la gauche et les Verts prétendent soutenir la cause, ils ont tout lieu de voir l'avenir en noir. C'est qu'un plébiscite des «lex Blocher» constituerait une invite à en remettre une couche. Or, si l'on peut comprendre que la Suisse a été contrainte de jouer les tours de vis dans le cadre d'une politique où chaque Etat tente de dévier le flot de l'immigration vers ses voisins, force est d'admettre que l'on est aujourd'hui aux limites du tolérable eu égard aux droits de l'homme. En ce sens, ces référendums sont dangereux, car susceptibles de pousser au pire. Leurs auteurs ne doivent pas s'illusionner. Ils ont eux-mêmes considéré l'ouverture de la Suisse aux nouveaux membres de l'UE comme une menace, à défaut de coriaces mesures d'accompagnement. S'attendre dès lors que leurs troupes prennent fait et cause pour les ressortissants extra-européens, c'est rêver. Voyez en France, même la ceinture rouge de Lyon a massivement voté Le Pen lors des dernières présidentielles. Voyez à l'époque François Mitterrand lui-même, évoquer «un seuil de tolérance». Il est fort probable qu'en Suisse, nombre d'étiquetés roses-verts ne réagissent pas différemment. En y ajoutant tous ceux simplement prêts à suivre le Parlement et le Conseil fédéral, cela donne l'inverse de tout ce que les immigrants sont en droit d'espérer.
Le référendum lancé par les socialistes contre la loi sur l'asile ouvrait déjà à l'UDC une autoroute de première classe vers un succès en votation populaire. En combattant de surcroît la loi sur les étrangers, les Verts offrent à l'UDC une autoroute à six pistes vers un triomphe électoral. C'est que, comme le craignaient les socialistes, ce double référendum élargit considérablement le spectre de l'argumentation UDC. Aux slogans dénonçant les abus en matière d'asile, les agrariens ajouteront ainsi ceux s'en prenant à la «surpopulation étrangère». Du coup, on ne donne pas cher des voix idéalistes qui appellent à une sage intégration. Les Verts font mine de se donner des chances supplémentaires en ciblant leur tir contre les «lex Blocher», qualifiées de «populistes et xénophobes». Mais, Christoph Blocher l'a dit au Gurten, il se réjouit de ces référendums, sans doute avec de bonnes raisons (pour lui et son parti). Quant aux étrangers et aux requérants dont la gauche et les Verts prétendent soutenir la cause, ils ont tout lieu de voir l'avenir en noir. C'est qu'un plébiscite des «lex Blocher» constituerait une invite à en remettre une couche. Or, si l'on peut comprendre que la Suisse a été contrainte de jouer les tours de vis dans le cadre d'une politique où chaque Etat tente de dévier le flot de l'immigration vers ses voisins, force est d'admettre que l'on est aujourd'hui aux limites du tolérable eu égard aux droits de l'homme. En ce sens, ces référendums sont dangereux, car susceptibles de pousser au pire. Leurs auteurs ne doivent pas s'illusionner. Ils ont eux-mêmes considéré l'ouverture de la Suisse aux nouveaux membres de l'UE comme une menace, à défaut de coriaces mesures d'accompagnement. S'attendre dès lors que leurs troupes prennent fait et cause pour les ressortissants extra-européens, c'est rêver. Voyez en France, même la ceinture rouge de Lyon a massivement voté Le Pen lors des dernières présidentielles. Voyez à l'époque François Mitterrand lui-même, évoquer «un seuil de tolérance». Il est fort probable qu'en Suisse, nombre d'étiquetés roses-verts ne réagissent pas différemment. En y ajoutant tous ceux simplement prêts à suivre le Parlement et le Conseil fédéral, cela donne l'inverse de tout ce que les immigrants sont en droit d'espérer.
Un référendum pour lutter contre une loi «xénophobe»
Céline Fontannaz dans 24heures et dans la Tribune de Genève présente le référendum des verts (soutenu par deux ONG) de la manière suivante:
Les Verts suisses, Solidarité sans frontières, le Forum pour l'intégration des migrants et des migrantes ont lancé hier un référendum contre la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) approuvée le 16 décembre dernier par le Parlement. Le texte prévoit des durcissements, notamment concernant le permis C, le regroupement familial et les mesures de contrainte.
La réaction ne s'est pas fait attendre. Une semaine après l'approbation par le Parlement de la loi sur les étrangers (LEtr), les Verts suisses, Solidarité sans frontières, le Forum pour l'intégration des migrants et des migrantes lancent un référendum. Pour faire barrage à une loi qu'ils jugent discriminatoire et xénophobe au même titre que la loi sur l'asile, également objet d'un référendum.
S'il a beaucoup été question de la révision de la loi sur l'asile et de ses durcissements, le Parlement a également donné de sévères tours de vis à la nouvelle loi sur les étrangers, qui n'avait pas été révisée depuis 1931.
Première grosse modification: son champ d'application. Le texte concerne désormais uniquement les migrants issus des pays ne faisant pas partie de l'Union européenne, le sort des étrangers de l'UE étant réglé par les accords bilatéraux. La Suisse compte actuellement 650 000 migrants extra-européens. Les référendaires considèrent cette distinction entre ressortissants étrangers discriminatoire. Ils craignent une montée du racisme.
Autre changement de taille: le permis d'établissement (ex-permis C) ne sera plus octroyé automatiquement après dix ans passés en Suisse. Mais remis à condition que le candidat prouve qu'il a fait l'effort de s'intégrer dans son nouveau pays et en a appris la langue. Pour sa part, l'Etat est tenu de favoriser l'intégration des migrants, notamment en proposant des cours de langue. «C'est très bien, mais on ne peut pas exiger que les migrants suivent des cours si l'offre ne suit pas comme c'est souvent le cas», regrette Ueli Leuenberger, conseiller national (GE) et vice-président des Verts. Par ailleurs, le regroupement familial fera l'objet de limitation: alors que les enfants jusqu'à 18 ans pouvaient rejoindre leurs parents installés en Suisse, la limite d'âge est désormais fixée à 12 ans. Pour faire venir des enfants plus âgés, les parents devront déposer une demande spéciale. Désireuse d'éviter les mariages «blancs», la nouvelle loi autorise désormais l'Etat à enquêter en cas de soupçon.
Toujours dans le but de juguler l'immigration, les Chambres ont renforcé les mesures dites «de contrainte». Un migrant sous le coup d'un renvoi ou d'une expulsion refusant de coopérer pourra désormais subir jusqu'à deux ans de prison. «Il est inadmissible que l'on puisse emprisonner quelqu'un alors qu'il n'a rien à se reprocher si ce n'est de ne pas pouvoir ou vouloir quitter la Suisse», tempête Ueli Leuenberger.
Pour les référendaires, les critères édictés par Berne auront pour conséquence de pousser dans la clandestinité et la précarité des dizaines de milliers d'étrangers et d'augmenter le nombre de sans-papiers, aujourd'hui estimé à plus de 100 000. Pour ces derniers, rappelle Ueli Leuenberger, aucune solution visant à régulariser leur situation n'est prévue dans la nouvelle loi.
Position du PS
Pourquoi les socialistes n’ont-ils pas lancé le référendum contre la loi sur les étrangers? «Pour des raisons tactiques, nous avons considéré que c’était mieux de nous concentrer sur le référendum contre la révision de la loi sur l’asile qui remet en question la tradition humanitaire de la Suisse», répond la porte-parole du PS Claudine Godat. Toutefois, elle souligne que son parti soutient le référendum, même s’il ne participera pas activement à la récolte de signatures: «De toute manière, le PS lance rarement des référendums», ajoute-t-elle. Parmi les raisons invoquées pour justifier cette décision prise le 26 novembre lors de l’assemblée des délégués, Claudine Godat invoque notamment un manque de ressources. Toutefois de nombreux «camarades» romands auraient souhaité que le parti se lance sur les deux fronts. Ueli Leuenberger, vice-président des Verts suisses, déplore lui aussi la position de la formation à la rose: «Je regrette qu’il n’y ait pas eu un comité unitaire qui s’engage pour les deux référendums.
Mais les oeuvres d’entraide et les ONG notamment n’ont pas souhaité s’associer avec les partis.» Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d’Amnesty International, défend l’idée de plusieurs comités: «Nous voulons rassembler la société civile au-delà des partis politiques.
Ces questions sont d’ordre éthique et concernent les droits fondamentaux. Elles ne peuvent pas être réduites à des affrontements politiques.» Amnesty International a décidé de s’engager très activement contre la loi sur l’asile et soutiendra également le référendum contre la loi sur les étrangers.
Gauche unie sur l’asile, pas sur les étrangers
Voici une brève publiée par la Tribune de Genève
Extraits:
Pourquoi les socialistes n'ont-ils pas lancé le référendum contre la Loi sur les étrangers? «Pour des raisons tactiques, nous avons considéré que c'était mieux de nous concentrer sur le référendum contre la révision de la Loi sur l'asile qui remet en question la tradition humanitaire de la Suisse», répond la porte-parole du PS, Claudine Godat...
Extraits:
Pourquoi les socialistes n'ont-ils pas lancé le référendum contre la Loi sur les étrangers? «Pour des raisons tactiques, nous avons considéré que c'était mieux de nous concentrer sur le référendum contre la révision de la Loi sur l'asile qui remet en question la tradition humanitaire de la Suisse», répond la porte-parole du PS, Claudine Godat...
jeudi 22 décembre 2005
Référendum contre la loi sur les étrangers lancé!
Les Verts suisses, Solidarité sans frontières, le Forum pour l’intégration des migrantes et des migrants FIMM et le comité romand contre la LEtr ont annoncé au-jourd’hui, en conférence de presse, le lancement du référendum contre la loi sur les étrangers. Ils entendent ainsi s’opposer à une loi discriminatoire et ségrégationniste qui laisse la voie totalement libre à l’arbitraire administratif. De nombreuses organisations soutiennent ce référendum.
Vendredi dernier, en votation finale, les Chambres fédérales ont adopté deux lois inhumaines et xénophobes. Ueli Leuenberger, Vice-président des Verts suisses, les a qualifiées de „Lex Blocher“. N’est-ce pas sur l’impulsion du ministre du Département de justice et police que les Chambres ont procédé à un durcissement inacceptable de ces deux lois?
La loi sur l’asile révisée bafoue les droits humains fondamentaux des requérants d’asile. Elle englobe de nombreuses mesures de contrainte totalement inadmissibles dont le seul objectif est de dissuader le plus grand nombre possible de personnes de déposer une demande d’asile.
Lire le communiqué des verts
Ecoutez l'entretien à ce sujet de Ueli Leuenberger sur La Première
Coûts de l'asile, accord entre Blocher et les cantons
Le ministre Christoph Blocher et les cantons ont trouvé un compromis sur la répartition des coûts de l'asile. Les cantons acceptent le montant de l'indemnité à titre d'aide d'urgence, mais la Confédération renonce à couper dans les frais d'encadrement.
Lire la dépêche de l'ATS
Contre une loi sur les étrangers discriminatoire
Les Verts et deux organisations de défense de migrants lancent le référendum contre le durcissement de la Loi sur les étrangers voté au Parlement.
Les adversaires de la nouvelle loi n'admettent ni la discrimination à l'égard des non-européens ni le concept de «degrés d'intégration».
Lire le dossier de Swissinfo
Pour les Verts, le Forum pour l'intégration des migrants (FIMM) et Solidarité sans frontières, la nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) est issue «de la logique xénophobe de l'exclusion. Comme le durcissement du droit d'asile».
Lire la dépêche d'AP
Christoph, prophète du Volksgeist
L'opinion de l'ancien rédacteur en chef de 24heures à l'occasion de Noël est bien profilée. Elle a été publiée en page 2.
Longtemps on a pu trouver, à bon droit, M. Christoph Blocher irritant. Mais après tout, si les Chambres ont pris le risque… plus ou moins calculé de l’élire au Conseil fédéral, et si les autres «Sages» ne sont pas tombés de la dernière pluie, tout ce beau monde politique, pouvaiton se dire, n’a qu’à se débrouiller pour que les institutions fonctionnent; et pour se protéger lui-même.
Maintenant, le décor a changé. M. Blocher devient carrément dangereux. Pour trois raisons.
D’abord, son parti prétend faire du peuple suisse un monarque absolu. La bataille des naturalisations le montre bien. Et permettre aux habitants d’une commune de voter sur le destin d’une personne dont ils ne connaissent, au mieux, que le lieu de naissance et la couleur de peau, ce n’est pas perfectionner la démocratie, c’est la trahir. Car tout pouvoir, il faut malheureusement le rappeler, doit se donner à lui-même des bornes; et s’il ne le fait pas, il est en marche vers un régime totalitaire. L’histoire nous l’enseigne: il n’y a, de la démocratie à la dictature, que deux ou trois petits pas. Or M. Blocher, freiné par le Tribunal fédéral, a franchi le premier: il a déclaré que si la Constitution gêne ses partisans, il n’y a qu’à changer la Constitution.
D’ailleurs, le Chef — et c’est la seconde raison — a bientôt montré comment lui-même comprend la démocratie. Non seulement il se conduit au Palais fédéral comme une vedette indiscrète et mal élevée; mais, quand une commission parlementaire veut s’intéresser à ses indélicatesses, il réunit son groupe, et ses petits soldats claquent la porte de la commission. Ainsi l’Exécutif se met-il à manipuler le Législatif. Avant de manipuler le judiciaire… Ce n’est pas encore le plus grave.
La démagogie est un anesthésique puissant. En exaltant le Volksgeist (l’Esprit du Peuple), elle engourdit les volontés individuelles. Les lois sur l’asile et sur les étrangers, qu’un Parlement tétanisé vient d’adopter, défient le droit international, ou plutôt le droit tout court, s’il a pour objet le règne de la justice et de l’humanité. On ne répétera pas ici les objections largement exposées par les rebelles à la Suisse blochérienne: autant d’évidences. Mais les Chambres se sont mises à quatre pattes. Honneur à M. Bruno Fasel, à Mme Martine Brunschwig Graf, à M. Claude Ruey, à quelques autres (mais rares) centristes, et naturellement à la gauche; à ceux qui, venus donc d’horizons divers, ont prononcé des paroles si graves qu’en d’autres temps elles auraient secoué le pays. Honneur — et non pas dérision, s’il vous plaît! — aux courageux qui lanceront un référendum. On le dit perdu d’avance. Voire. Mais comment rester inerte après avoir dénoncé, quoique en vain, la cruauté?
Dérision supplémentaire: le langage des statistiques, dont l’Office fédéral des réfugiés abuse depuis des années, perd toute pertinence au moment où le nombre des requérants d’asile fond comme glaciers après Kyoto; que nos élus dressent néanmoins de nouveaux remparts; et qu’on invente ce sigle sinistre, les NEM (ah! souvenir des abréviations dont le Reich national-socialiste était si gourmand, parce qu’elles signalent à la fois l’ordre, la discipline et l’anonymat)… On nous explique ad nauseam que la Suisse «ne peut pas recevoir toute la misère du monde». Comme s’il en avait jamais été question! Et pendant ce temps, on expulse des «enracinés», on oblige des patrons à licencier des salariés dont ils étaient contents, on maintient des familles dans une angoisse à chaque aube renouvelée… Voici Noël. Pouah!
La famille Azizi. De la Macédoine à Prilly
Le petit Jehon fait le clown dans le salon. Son père le couve du regard. «Comme Albanais, je n’ai pas eu une belle jeunesse dans mon pays. J’espère que Jehon pourra avoir une meilleure vie ici.» Dans leur petit appartement prilléran, Fljurim Azizi et sa femme Hirmet regrettent le temps du travail. Il a été plâtrier-peintre pendant plus de trois ans, son épouse blanchisseuse durant quinze mois. Et puis est arrivée l’interdiction de travail. «Maintenant, j’ai honte d’aller me promener dehors la journée. Je ne veux pas que les gens disent que les étrangers ne travaillent pas, qu’on est des profiteurs. » D’avril au mois d’août, ils ont passé quatre mois dans le refuge des églises. «On est allés d’une paroisse à l’autre. C’était difficile avec le petit, il a été malade. Et quand on est sortis, il pleurait souvent la nuit.» L’espoir? «On ne se décourage pas. Beaucoup de Suisses nous aident tellement.»
Texte de MARTINE CLERC, photo d'Odile Meylan
Lien vers la description du projet de 24heures
La coalition pour une Suisse humanitaire lance le référendum
Le Courrier revient sur la conférence de presse inaugurale de la campagne pour les référendums, organisé à Berne par les ONG. Lire le texte des communiqués
Nous reprenons ici, l'entretien de Michel Schwery avec le secrétaire de Solidarité sans frontière.
Les militants d’une Suisse plus ouverte aux réalités du monde sortent de l’ombre. Outre les oeuvres d’entraide qui lancent le référendum contre le durcissement du
droit d’asile (lire ci-dessus), d’autres forces ont choisi de refuser conjointement cette même loi et la nouvelle Loi sur les étrangers, également adoptée vendredi par les chambres fédérales. Ce week-end se sont ainsi tenus à Berne les «états généraux de la migration et de l’asile». Le point de situation avec Balthasar Glättli, secrétaire de Solidarité sans frontière et coorganisateur alémanique de la rencontre.
Quel bilan tirez-vous de cette première édition des «états généraux»?
– Balthasar Glättli: Ce week-end de travail constitue un moment très important pour
nous. C’est la première fois que les mouvements pour l’asile et de soutien aux migrants étaient réunis. Des petits et des grands groupes, de migrants et de Suisses
solidaires se sont retrouvés par-dessus les frontières cantonales. Environ 200 personnes pour une quarantaine d’associations étaient présentes.
Ce moment a permis à ces «partenaires naturels » de faire connaissance entre militants qui s’activent parfois depuis des années sur les mêmes thèmes. Au-delà,
nous avons pu dresser un état des lieux du mouvement. Chacun dans son coin, on se
croyait très faible, mais nous avons découvert une vraie richesse de résistance.
Le double référendum est un pas sur le chemin de la résistance, mais nous imaginons
déjà de continuer le combat en lançant, peut-être, une initiative sur la politique
migratoire afin de nourrir le débat public avec «notre» discours sur ce thème.
Sur ce front, comment la situation se présente-t-elle en Suisse alémanique?
– La Suisse primitive connaît une nette majorité de droite. Par exemple, le courant
blochérien est né à Zurich. Face à cela, nous nous sommes habitués à perdre, à l’absence d’opposition. En Suisse romande, certains gouvernements cantonaux résistent
à Berne. Chez nous, c’est tout simplement impensable.
Quels sont les avantages à lancerun double référendum?
– Pour la récolte de signatures, il y a deux comités nationaux, l’un sur l’asile, l’autre contre les deux lois. Les deux comités sont légitimes et répondent à des tactiques différentes. Mais la campagne sera unitaire, sans concurrence entre les deux référendums. La validation des signatures sera centralisée au même endroit.
Nous, nous aurons une feuille de signatures double afin de signifier notre refus
de la «blochérisation» de la Suisse. Nous pensons qu’en Suisse alémanique nous
pouvons plus facilement gagner à notre cause des «vrais libéraux» avec cette approche
qu’avec le seul argument «humanitaire ».
L'arrêt des renvois sera discuté en janvier
Le Grand Conseil vaudois se penchera une nouvelle fois à la fin janvier sur l'arrêt des renvois forcés des requérants d'asile déboutés. Contrairement au Conseil d'Etat, la commission soutient le décret. Le plénum, voire les tribunaux, trancheront.
Les travaux de la commission parlementaire sont terminés. Sans surprise, par huit voix contre sept, la commission a apporté son soutien aux trois éléments-clés du décret: l'arrêt des renvois forcés, la levée de l'interdiction de travailler et la création d'une commission consultative d'experts sur le modèle neuchâtelois.
Ces mesures concernent environ 380 personnes. Elles s'appliquent au groupe dit des «523» (qui ne sont désormais «plus» que 237, selon l'Office fédéral des migrations, ODM) ainsi qu'aux Ethiopiens et Erythréens qui avaient été exclus d'emblée de la circulaire Metzler (les «175», qui ne sont désormais «plus» que 146).
En commission, la gauche l'a emporté de justesse grâce à l'appui du radical Serge Melly, qui a donné son nom à la motion qui est à l'origine du décret d'application. En plénum, le vote s'annonce serré. En juillet dernier, la motion Melly avait été acceptée par 78 voix contre 74 et trois abstentions.
Au Grand Conseil, le débat prendra une tournure résolument juridique. Les partisans du décret soulignent que la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) indique que les cantons «peuvent» ordonner les mesures de contrainte. Selon eux, les cantons n'ont donc pas d'obligation.
Le libéral Philippe Leuba, auteur d'un rapport de minorité, conteste cette interprétation. A ses yeux, le mot «peut» ne signifie pas que le canton a le choix de le faire ou non. Ce mot autorise simplement le canton à recourir à ce type de moyens, car il faut une base légale pour attenter aux libertés individuelles, dit-il: «L'article 46 de la loi fédérale sur l'asile précise que le canton est tenu d'exécuter la décision de renvoi.»
Si le décret passe en plénum, les recours sont d'ores et déjà annoncés. Dix-huit députés, soit un dixième du Grand Conseil, saisiront la Cour constitutionnelle vaudoise, a annoncé Philippe Leuba. Le Conseil fédéral pourrait aussi déposer une réclamation de droit public au Tribunal fédéral pour violation du droit fédéral.
Le décret pourrait être voté à la fin janvier en premier débat. Un deuxième débat suivra en février. En cas d'acceptation, le Conseil d'Etat fixera l'entrée en vigueur de la loi, à une date encore inconnue.
Lire l'article de La Liberté et du Courrier
Les travaux de la commission parlementaire sont terminés. Sans surprise, par huit voix contre sept, la commission a apporté son soutien aux trois éléments-clés du décret: l'arrêt des renvois forcés, la levée de l'interdiction de travailler et la création d'une commission consultative d'experts sur le modèle neuchâtelois.
Ces mesures concernent environ 380 personnes. Elles s'appliquent au groupe dit des «523» (qui ne sont désormais «plus» que 237, selon l'Office fédéral des migrations, ODM) ainsi qu'aux Ethiopiens et Erythréens qui avaient été exclus d'emblée de la circulaire Metzler (les «175», qui ne sont désormais «plus» que 146).
En commission, la gauche l'a emporté de justesse grâce à l'appui du radical Serge Melly, qui a donné son nom à la motion qui est à l'origine du décret d'application. En plénum, le vote s'annonce serré. En juillet dernier, la motion Melly avait été acceptée par 78 voix contre 74 et trois abstentions.
Au Grand Conseil, le débat prendra une tournure résolument juridique. Les partisans du décret soulignent que la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) indique que les cantons «peuvent» ordonner les mesures de contrainte. Selon eux, les cantons n'ont donc pas d'obligation.
Le libéral Philippe Leuba, auteur d'un rapport de minorité, conteste cette interprétation. A ses yeux, le mot «peut» ne signifie pas que le canton a le choix de le faire ou non. Ce mot autorise simplement le canton à recourir à ce type de moyens, car il faut une base légale pour attenter aux libertés individuelles, dit-il: «L'article 46 de la loi fédérale sur l'asile précise que le canton est tenu d'exécuter la décision de renvoi.»
Si le décret passe en plénum, les recours sont d'ores et déjà annoncés. Dix-huit députés, soit un dixième du Grand Conseil, saisiront la Cour constitutionnelle vaudoise, a annoncé Philippe Leuba. Le Conseil fédéral pourrait aussi déposer une réclamation de droit public au Tribunal fédéral pour violation du droit fédéral.
Le décret pourrait être voté à la fin janvier en premier débat. Un deuxième débat suivra en février. En cas d'acceptation, le Conseil d'Etat fixera l'entrée en vigueur de la loi, à une date encore inconnue.
Lire l'article de La Liberté et du Courrier
mercredi 21 décembre 2005
Coalition pour une Suisse humanitaire
Voici le site de la coalition entre les ONG Suisse engagée dans le combat contre les nouvelles lois sur l'asile et les étrangers.
Contre une loi d'asile inhumaine
Une Coalition pour une Suisse humanitaire va lancer un référendum contre le durcissement de la loi sur l'asile adopté par le parlement.
Selon elle, la révision de la loi porte atteinte à la Convention de 1951 sur les réfugiés et représente une violation du droit international.
Lire le dossier de Swissinfo
Voir la page sur la TSR
Lire le communiqué de l'APIC
Lire le communiqué de l'EPER
Espoir inattendu pour les Ethiopiens
Dans 24heures, Martine Clerc évoque une nouvelle démarche du canton pour résoudre le problème des "175"
Le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud espère obtenir une régularisation pour «les cas les plus anciens» parmi les 175 Ethiopiens et Erythréens. Les interdictions de travail sont toutefois maintenues.
Les Ethiopiens et Erythréens déboutés ont à nouveau le droit d’espérer. Hier, le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud a confirmé à 24 heures une information parue la semaine dernière dans Le Courrier. Des démarches ont bien été entreprises auprès de la Confédération afin de débloquer la situation des requérants déboutés d’Ethiopie et d’Erythrée. Ils sont 175 dans le canton de Vaud. Et, bien que déboutés, ils ne peuvent être renvoyés, leurs pays respectifs refusant généralement d’admettre leurs ressortissants expulsés.
Désormais, leur sort se joue dans les bureaux de l’administration fédérale. «Berne planche sur une réflexion qui pourrait faire bouger les choses d’ici à quelques mois et aboutir à des issues positives pour les cas les plus anciens», explique Jean-Claude Mermoud. Combien d’années de séjour pourraient-elles justifier une régularisation? «Je pense qu’il y a une petite lueur d’espoir pour ceux qui sont arrivés avant 2000», avance, prudent, le conseiller d’Etat. Il précise que la demande déposée à Berne émane de plusieurs gouvernements cantonaux.
Les compléments aux dossiers ont été renvoyés à la Confédération fin novembre. En 2003, le canton avait déjà présenté ces cas pour régularisation sur la base de la circulaire Metzler, mais l’Office fédéral des migrations les avait écartés d’office. Selon Jean-Claude Mermoud, le degré d’intégration et la longueur de la procédure pourraient être les critères retenus par la Confédération. Il ajoute que les interdictions de travail sont maintenues afin de ne pas susciter de vains espoirs chez ceux qui ne seront pas régularisés.
La Coordination Asile salue l’initiative. «Enfin! On ne peut que se réjouir», note Bruno Clément, s’avouant toutefois surpris de la démarche. «Mais nous attendons maintenant des résultats concrets.» Le militant espère que la Confédération tiendra également compte de la péjoration de la situation politique en Ethiopie et Erythrée et des risques encourus en cas de retour
Le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud espère obtenir une régularisation pour «les cas les plus anciens» parmi les 175 Ethiopiens et Erythréens. Les interdictions de travail sont toutefois maintenues.
Les Ethiopiens et Erythréens déboutés ont à nouveau le droit d’espérer. Hier, le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud a confirmé à 24 heures une information parue la semaine dernière dans Le Courrier. Des démarches ont bien été entreprises auprès de la Confédération afin de débloquer la situation des requérants déboutés d’Ethiopie et d’Erythrée. Ils sont 175 dans le canton de Vaud. Et, bien que déboutés, ils ne peuvent être renvoyés, leurs pays respectifs refusant généralement d’admettre leurs ressortissants expulsés.
Désormais, leur sort se joue dans les bureaux de l’administration fédérale. «Berne planche sur une réflexion qui pourrait faire bouger les choses d’ici à quelques mois et aboutir à des issues positives pour les cas les plus anciens», explique Jean-Claude Mermoud. Combien d’années de séjour pourraient-elles justifier une régularisation? «Je pense qu’il y a une petite lueur d’espoir pour ceux qui sont arrivés avant 2000», avance, prudent, le conseiller d’Etat. Il précise que la demande déposée à Berne émane de plusieurs gouvernements cantonaux.
Les compléments aux dossiers ont été renvoyés à la Confédération fin novembre. En 2003, le canton avait déjà présenté ces cas pour régularisation sur la base de la circulaire Metzler, mais l’Office fédéral des migrations les avait écartés d’office. Selon Jean-Claude Mermoud, le degré d’intégration et la longueur de la procédure pourraient être les critères retenus par la Confédération. Il ajoute que les interdictions de travail sont maintenues afin de ne pas susciter de vains espoirs chez ceux qui ne seront pas régularisés.
La Coordination Asile salue l’initiative. «Enfin! On ne peut que se réjouir», note Bruno Clément, s’avouant toutefois surpris de la démarche. «Mais nous attendons maintenant des résultats concrets.» Le militant espère que la Confédération tiendra également compte de la péjoration de la situation politique en Ethiopie et Erythrée et des risques encourus en cas de retour
Seble Wolde. De l’Ethiopie à Yverdon.
Cheveux hirsutes, visage rond, Efrata gazouille. Sa mère, Seble Wolde, tient tendrement dans ses bras ce petit morceau de bonheur qui illumine un océan de tristesse. En Suisse depuis 1998, la jeune femme travaillait comme femme de ménage, jusqu’à ce qu’elle développe une allergie aux produits de nettoyage. En juin, une interdiction de travail tombe. Trois mois plus tard, Seble accouche de la petite Efrata. «Je suis mère, mais sans papiers, sans travail et sans mari. La vie est vraiment difficile et, souvent, je pleure seule à la maison.» Le père d’Efrata est Ethiopien. Requérant lui aussi, il a été assigné au canton d’Argovie. Difficile dès lors pour les jeunes parents d’éduquer normalement leur enfant. «Je veux que le père du bébé puisse me rejoindre. » Le regard triste, elle aspire à une vie normale auprès de l’homme qu’elle aime. «Ma vie est vraiment triste et compliquée maintenant, je ne sais pas jusqu’à quand je pourrai rester ici.»
Texte de CAROLE PANTET, photo de Michel Duperrex
Lien vers la description du projet de 24heures
mardi 20 décembre 2005
Le nouveau droit d’asile bafoue la dignité humaine
La Croix-Rouge suisse (CRS) estime que la loi sur
l’asile révisée est contraire au principe d’humanité. A l’avenir,
les requérants doivent craindre de voir la Suisse leur refuser le
droit fondamental de demander l’asile.
La nouvelle législation régissant l’octroi de l’asile porte
gravement atteinte au principe d’humanité. Comme elle l’a déjà fait
à plusieurs reprises, la CRS continuera de dénoncer les dispositions
de cette loi qui bafouent la dignité humaine.
Lire le communiqué dans son intégralité
Communiqué du CVSSP
Le Collectif des soutiens aux sans papiers (CVSSP) a appris la condamnation
par le tribunal correctionnel de Lausanne d'un ancien policier de Pully en raison des attouchements qu'il a fait subir à une femme de ménage clandestine.
Le CVSSP souhaite relativiser l'affirmation du président du Tribunal estimant que : "les faits reprochés sont peu graves en soi (...) le fait que vous étiez policier a largement aggravé cette affaire". En effet, une telle affirmation banalise la violence faite aux femmes, particulièrement celle que subit les femmes sans autorisation de séjour, d'autant plus exposées à des risques d'attouchements ou d'autres agressions sexuelles qu'elles travaillent en général dans des ménages privés, à l'abri de regards extérieurs.
Nous rappelons par ailleurs qu'une des actions remarquées du CVSSP a été une manifestation de rue le 14 mars 2002 menant plus de 150 personnes de Lausanne à Pully afin de dénoncer les contrôles au faciès et le zèle excessifs des autorités de police dans la commune de Pully lors de l'interpellation de personnes vivant sans autorisation de séjour en Suisse.
Cette manifestation avait eu lieu suite aux différentes plaintes des travailleuses et travailleurs sans-papiers, et particulièrement des femmes de ménage travaillant pour des familles pulliérannes. Plusieurs d'entre elles s'étaient plaintes d'attouchements tels que ceux qui sont reprochés aujourd'hui à cet ancien policier de Pully. Cela nous incite à penser que, contrairement à ce qui est affirmé, ces actes n'étaient pas un "incident unique, un instant de faiblesse". Ils illustrent la très grande
vulnérabilité des femmes et des hommes sans-papiers et l'urgence de leur régularisation collective.
Lire la dépêche de l'ATS sur le verdict du procés
par le tribunal correctionnel de Lausanne d'un ancien policier de Pully en raison des attouchements qu'il a fait subir à une femme de ménage clandestine.
Le CVSSP souhaite relativiser l'affirmation du président du Tribunal estimant que : "les faits reprochés sont peu graves en soi (...) le fait que vous étiez policier a largement aggravé cette affaire". En effet, une telle affirmation banalise la violence faite aux femmes, particulièrement celle que subit les femmes sans autorisation de séjour, d'autant plus exposées à des risques d'attouchements ou d'autres agressions sexuelles qu'elles travaillent en général dans des ménages privés, à l'abri de regards extérieurs.
Nous rappelons par ailleurs qu'une des actions remarquées du CVSSP a été une manifestation de rue le 14 mars 2002 menant plus de 150 personnes de Lausanne à Pully afin de dénoncer les contrôles au faciès et le zèle excessifs des autorités de police dans la commune de Pully lors de l'interpellation de personnes vivant sans autorisation de séjour en Suisse.
Cette manifestation avait eu lieu suite aux différentes plaintes des travailleuses et travailleurs sans-papiers, et particulièrement des femmes de ménage travaillant pour des familles pulliérannes. Plusieurs d'entre elles s'étaient plaintes d'attouchements tels que ceux qui sont reprochés aujourd'hui à cet ancien policier de Pully. Cela nous incite à penser que, contrairement à ce qui est affirmé, ces actes n'étaient pas un "incident unique, un instant de faiblesse". Ils illustrent la très grande
vulnérabilité des femmes et des hommes sans-papiers et l'urgence de leur régularisation collective.
Lire la dépêche de l'ATS sur le verdict du procés
Sarkawt Tawfiqui. De l'Iran à Lausanne
Sarkawt Tawfiqui secoue le plat de sa main quand on lui demande comment il va. «C’est difficile. On ne sait jamais ce qui va se passer demain. Avec mon permis de requérant, je me sens toujours instable.» Plusieurs jours par semaine, pour se rendre utile, il donne des cours à la Fareas: maths et internet. «C’est bien pour garder contact avec les autres requérants, mais si je pouvais rester en Suisse, j’aimerais être indépendant, ouvrir une petite boutique d’alimentation iranienne.» Inquiet de la situation dans son pays, il suit de près les actualités sur internet. Le sort de ses camarades du Parti communiste des travailleurs, interdit, le préoccupe. «J’ai fui l’Iran après avoir été emprisonné quatre fois», explique-t-il. Noël? «Je ne suis pas croyant, je ne fête pas non plus les fêtes musulmanes. Mais j’irai certainement faire un tour du côté de la cathédrale. C’est joli à Noël.»
Texte de MARTINE CLERC, photo de Janine Jousson
Lien vers la description du projet de 24heures
Le PDC genevois soutiendra les référendum
La section genevoise du Parti démocrate-chrétien (PDC) soutiendra les référendums contre la loi sur l'asile et la loi sur les étrangers. Elle s'oppose ainsi à la grande majorité des élus PDC aux Chambres fédérales, qui avaient accepté leur révision.
«Les diverses tentatives d'infléchir les 'lex Blocher' ayant échoué, le PDC Genève souhaite que le peuple puisse avoir le dernier mot», a indiqué la formation centriste aujourd'hui. La révision des deux lois, adoptée en vote final vendredi dernier, est parfaitement inique et inhumaine, estime le secrétaire général du parti Fabiano Forte.
Lire la dépêche de l'ATS
«Les diverses tentatives d'infléchir les 'lex Blocher' ayant échoué, le PDC Genève souhaite que le peuple puisse avoir le dernier mot», a indiqué la formation centriste aujourd'hui. La révision des deux lois, adoptée en vote final vendredi dernier, est parfaitement inique et inhumaine, estime le secrétaire général du parti Fabiano Forte.
Lire la dépêche de l'ATS
lundi 19 décembre 2005
Famille Isakovics. De la Bosnie à Yverdon
Dans l’appartement des Isakovic, les rires de trois enfants résonnent. Exhibant la médaille de son fils, Jasmina parle avec fierté de la dernière victoire de Mehmed en taekwondo. On pourrait croire à une famille comme les autres, mais l’avenir des Isakovic s’annonce sombre. Un mois après la mère, le père vient de recevoir une interdiction de travail. «Quand mon mari a reçu la lettre, il n’a pas mangé pendant deux jours. Il n’y croyait pas», confie Jasmina. L’inquiétude est compréhensible. Avec deux salaires, la famille vivait confortablement. Elle a même remboursé près de 40 000 francs à la Fareas. Comment vivront-ils à partir de janvier? «On n’a même pas envie de fêter Noël», soupire la mère. Le retour, la famille l’a déjà tenté sans succès en 1998, elle ne peut le concevoir une nouvelle fois. «La situation était trop difficile, mon père ne trouvait pas de travail», se rappelle encore Belma, l’aînée des trois enfants.
Texte de CAROLE PANTET, photo de Odile Meylan
Lien vers la description du projet de 24heures
Tout bascule et l'on a rien à dire
Dans 24heures, Gabrielle Desarzens nous raconte l'histoire de deux adolescentes brésiliennes qui risquent une prochaine expulsion.
Marié à une Suissesse, leur père, arrivé clandestinement en Suisse il y a cinq ans, avait obtenu un titre de séjour. Après sa séparation, toute la famille est menacée d’expulsion.
Lizi a 16 ans, sa soeur, Laiz, 14. Elles se font face, ce soir de décembre, de part et d’autre de la table familiale. L’émotion les gagne: «Je suis Brésilienne, mais je veux vivre ici en Suisse. Notre vie est là, c’est ici que nous avons nos amis», indique Lizi d’une voix qu’elle essaie de poser malgré les larmes qui la gagnent.
Elles sont arrivées du Brésil en Suisse avec leur père en 2000. Elles ont suivi la filière des classes d’accueil avec succès, se sont bien intégrées. Aujourd’hui, l’aînée est en neuvième année prégymnasiale au collège des Bergières à Lausanne, section maths-physique. Elle souhaite enchaîner par un gymnase puis des études universitaires: elle caresse le rêve de faire médecine. Sa petite soeur, moins scolaire, veut devenir esthéticienne. Leur père Marcos Rodrigues, au bénéfice d’un permis B jusqu’en juillet 2004, a demandé le réexamen de la terrible décision pour la famille: c’est en mars dernier qu’il a reçu un avis d’expulsion. Bien qu’il ait déposé un mémoire argumentaire étoffé au Service de la population (lire encadré), ce dernier vient de maintenir son renvoi, et donc celui de sa famille. Au Tribunal administratif maintenant de rendre une décision définitive. Une veille de Fêtes catastrophique pour deux adolescentes parfaitement intégrées.
«Nous renvoyer, comme ça, par lettre, cela ne se fait pas. Papa ne nous a pas tout de suite dit ce qu’il en était, il a essayé de nous protéger. Quand j’ai su que nous étions menacés d’être renvoyés, j’ai été choquée. C’est la première fois que je vis ça, vous savez, ce n’est pas possible. Et puis c’est notre avenir qui est en jeu», exprime Lizi. «Qu’estce qu’ils diraient, ceux qui prennent cette décision, s’ils étaient à ma place? A ma place, c’est-àdire s’ils avaient fait les efforts que j’ai faits pour l’école, parce que je veux devenir quelqu’un, et s’ils voyaient tous leurs rêves s’effondrer d’un coup?» «Je trouve que c’est injuste, on ne fait rien de mal», poursuit sa jeune soeur. «Au début, je me réveillais la nuit, je faisais des cauchemars. Maintenant, mes notes ont baissé, j’ai parfois le moral à zéro.» Le Brésil? «Je ne pourrai jamais faire esthéticienne là-bas. Il faudrait que je récupère le portugais alors que j’ai gagné le français», indique encore Laiz. «Ce serait comme si j’avais perdu cinq années, et puis l’école publique ne donne aucune chance», souligne Lizi. «On ferait quoi? On joue là avec notre vie. La décision qui doit tomber peut tout faire basculer et nous, on n’a rien à dire.» A l’âge où l’on construit son avenir, les deux filles ont le sentiment que tout ce qu’elles ont réussi à poser dans leur vie est en train de s’écrouler. «Et c’est angoissant l’attente, vous savez. Il faut essayer de ne pas y penser, mais c’est dur.»
Premiers états généraux pour repenser la politique de la migration et de l’asile
Dans 24heures, Aline Andrey rédige un compte rendu de cette rencontre entre une quarantaine d’organisations alémaniques et romandes active dans la défense des requérants d'asile et des sans-papiers.
Le «réseau suisse pour la défense des droits des migrantEs et des réfugiéEs» est né hier à Berne à l’issue des premiers états généraux de la migration et de l’asile. En résistance à la votation du 16 décembre des Chambres fédérales sur la révision de la loi sur l’asile et celle sur les étrangers, quelque deux cents personnes provenant d’une quarantaine d’organisations (ONG, syndicats, partis, Eglises) de Suisse alémanique et de Romandie se sont réunies. Le lancement d’une initiative pour une autre politique migratoire a été longuement évoqué.
«Nous voulons que notre mouvement ne soit pas seulement de résistance mais aussi un mouvement de propositions et de projets », a relevé Balthasar Glättli, secrétaire général de Solidarité sans frontières, membre du comité d’organisation. Migrants, sans-papiers et requérants d’asile étaient également présents. «Je crois que la communication avec le peuple suisse est primordiale. Aujourd’hui il a peur de nous alors qu’il ne nous voit que de loin», a commenté, hors micro, Richard Tshimananga- Nkesé, requérant d’asile vivant à Zurich. En marge du lancement des deux référendums contre le durcissement de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers, c’est une réflexion sur les actions offensives à moyen et à long termes qui a été discutée ce week-end.
L’intégration des migrants et des migrantes dans la campagne référendaire, la lutte au niveau politique mais aussi dans la rue, ainsi que la régularisation de tous les sans-papiers ont été quelques-uns des points forts soulevés en conclusion des états généraux.
Des actions concrètes aux idées utopiques, la manifestation a surtout permis aux acteurs de la défense des requérants d’asile et des sans-papiers de s’unir pour la première fois malgré les clivages linguistiques et le cantonalisme. Un bémol: le Tessin n’a pas été représenté.
Un réseau européen
A peine sorti de l’oeuf, le «réseau suisse pour la défense des droits des migrantEs et des réfugiéEs» se tourne déjà vers une collaboration plus large, en se rapprochant du milieu associatif européen. «Face à la xénophobie en col blanc, nous devons tenir un contre-discours ensemble. Un tribunal international contre la xénophobie et le racisme d’Etat ou encore l’organisation d’états généraux euroafricains sont des pistes d’action », a soulevé le Français Jérôme Valluy, enseignant-chercheur en sciences politiques.
Lucides, plusieurs militants n’ont pas caché que la lutte sera longue. Et que si la prochaine bataille, celle des référendums, était loin d’être gagnée, le mouvement de résistance était en marche. Dans ce sens, l’organisation de nouveaux états généraux a été évoquée
Le «réseau suisse pour la défense des droits des migrantEs et des réfugiéEs» est né hier à Berne à l’issue des premiers états généraux de la migration et de l’asile. En résistance à la votation du 16 décembre des Chambres fédérales sur la révision de la loi sur l’asile et celle sur les étrangers, quelque deux cents personnes provenant d’une quarantaine d’organisations (ONG, syndicats, partis, Eglises) de Suisse alémanique et de Romandie se sont réunies. Le lancement d’une initiative pour une autre politique migratoire a été longuement évoqué.
«Nous voulons que notre mouvement ne soit pas seulement de résistance mais aussi un mouvement de propositions et de projets », a relevé Balthasar Glättli, secrétaire général de Solidarité sans frontières, membre du comité d’organisation. Migrants, sans-papiers et requérants d’asile étaient également présents. «Je crois que la communication avec le peuple suisse est primordiale. Aujourd’hui il a peur de nous alors qu’il ne nous voit que de loin», a commenté, hors micro, Richard Tshimananga- Nkesé, requérant d’asile vivant à Zurich. En marge du lancement des deux référendums contre le durcissement de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers, c’est une réflexion sur les actions offensives à moyen et à long termes qui a été discutée ce week-end.
L’intégration des migrants et des migrantes dans la campagne référendaire, la lutte au niveau politique mais aussi dans la rue, ainsi que la régularisation de tous les sans-papiers ont été quelques-uns des points forts soulevés en conclusion des états généraux.
Des actions concrètes aux idées utopiques, la manifestation a surtout permis aux acteurs de la défense des requérants d’asile et des sans-papiers de s’unir pour la première fois malgré les clivages linguistiques et le cantonalisme. Un bémol: le Tessin n’a pas été représenté.
Un réseau européen
A peine sorti de l’oeuf, le «réseau suisse pour la défense des droits des migrantEs et des réfugiéEs» se tourne déjà vers une collaboration plus large, en se rapprochant du milieu associatif européen. «Face à la xénophobie en col blanc, nous devons tenir un contre-discours ensemble. Un tribunal international contre la xénophobie et le racisme d’Etat ou encore l’organisation d’états généraux euroafricains sont des pistes d’action », a soulevé le Français Jérôme Valluy, enseignant-chercheur en sciences politiques.
Lucides, plusieurs militants n’ont pas caché que la lutte sera longue. Et que si la prochaine bataille, celle des référendums, était loin d’être gagnée, le mouvement de résistance était en marche. Dans ce sens, l’organisation de nouveaux états généraux a été évoquée
Premiers Etats généraux de la migration et de l'asile
Des Suisses et des migrants ont lancé un mouvement national de résistance contre les deux lois sur l'asile et sur les étrangers votées la semaine dernière par les Chambres fédérales. Ils ont appelé à soutenir activement les référendums contre ces lois.
Durant le week-end, plus de 200 personnes et plus de 40 organisations en provenance de toute la Suisse ont participé à Berne aux premiers Etats généraux de la migration et de l'asile, ont indiqué les organisateurs dimanche.
A l'issue de la deuxième journée, les Etats généraux se sont conclus par la création d'un réseau suisse de solidarité pour la défense des droits des migrants et des réfugiés. Ce réseau doit renforcer l'action de résistance contre les nouvelles lois sur l'asile et sur les étrangers et établir des liens européens.
Lire le communiqué de l'ATS
Durant le week-end, plus de 200 personnes et plus de 40 organisations en provenance de toute la Suisse ont participé à Berne aux premiers Etats généraux de la migration et de l'asile, ont indiqué les organisateurs dimanche.
A l'issue de la deuxième journée, les Etats généraux se sont conclus par la création d'un réseau suisse de solidarité pour la défense des droits des migrants et des réfugiés. Ce réseau doit renforcer l'action de résistance contre les nouvelles lois sur l'asile et sur les étrangers et établir des liens européens.
Lire le communiqué de l'ATS
dimanche 18 décembre 2005
Bruno Clément est l'invité du Courrier
En lancement des Etats Généraux de la migration et de l'asile qui se tiennent ce week-end à Berne, Bruno Clément s'exprime sur une page entière dans le Courrier.
A deux contre un, et sans surprise, les parlementaires fédéraux ont approuvé la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) et la révision de la loi sur l’asile (LAsi). La première cimente ainsi définitivement une politique migratoire helvétique fondée doublement sur la discrimination selon l’origine nationale et sur la ségrégation sociale, les riches du monde entier étant toujours les bienvenus. Quant à la énième révision de la loi sur l’asile, elle fait de la Suisse le pays européen le plus dur en matière de législation sur les réfugiés et transforme en lambeaux le droit à la
protection contre la persécution. Une nouvelle ère de la xénophobie d’Etat commence
donc avec un appareil législatif adapté à une Suisse donjon de la forteresse européenne. Les parlementaires majoritaires ont pu voter en toute impunité
politique et juridique.En effet, elles et ils savent que la majorité des électrices et électeurs qui s’expriment suivent les mots d’ordre xénophobes distillés depuis des années par l’UDC et ses affidés, héritiers peu glorieux des Schwarzenbach des années 1960 et des Rothmund des années vingt. Leur vote indigne ne sera donc pas sanctionné lors de leur prochain passage devant les urnes. Impunité juridique Impunité juridique également puisque les institutions helvétiques ne connaissent pas de cour constitutionnelle, le Tribunal fédéral ne pouvant que suivre les volontés du législateur sans avoir la compétence de se prononcer en amont sur la compatibilité des nouvelles lois avec la constitution et les conventions internationales ratifiées
par la Suisse. De plus, la Suisse n’est pas signataire de la convention internationale pour les droits des travailleurs migrants et leurs familles du 18 décembre 1990 et elle n’a donc pas de compte à rendre dans un quelconque cénacle international. Quant à la convention internationale sur les réfugiés de
1951, elle ne connaît pas de juridiction devant laquelle déposer plainte contre un gouvernement. Mais ces parlementaires majoritaires ne peuvent pas compter sur une impunité sociale. En effet, ce n’est pas unhasard si les premiers états généraux de la migration et de l’asile1 sont convoqués pour le lendemain du vote des lois
scélérates, états généraux qui se concluront le 18 décembre, date symbolique puisque c’est le Jour des peuples des Nations Unies qui célèbre les droits des travailleurs
migrants quel que soit leur statut, avec ou sans papiers, réfugiés reconnus ou non.
Une assemblée générale nationale Le premier enjeu de ces états généraux est le même que celui qui a prévalu aux états généraux historiques, ceux qui, dans le processus de la Révolution française de 1789, ont vu surgir sur le devant de la scène le Tiers Etat, ces gueux dont tout le monde parlait, mais que personne ne voulait voir et
prendre en considération. Ainsi, les états généraux des 17 et 18 décembre sont une sorte de grande «assemblée générale» de tous les mouvements, les organisations,
les syndicats qui dans toute la Suisse se battent pour les droits des migrants et
des réfugiés et à leurs côtés pour la dignité humaine et le droit d’avoir des droits.
Cette «assemblée générale» vise en premier lieu la rencontre et le partage d’expériences. Il s’agit en effet de casserles divers cloisonnements qui enferment géographiquement et politiquement les diverses composantes du mouvement social de résistance. Il n’est pas seulement question d’aller au-delà des clivages linguistiques, lesdits «Röstigraben » et «barrière du Gothard», mais au-delà de tous les cantonalismes existant autant en Suisse alémanique qu’en Suisse romande.
Il s’agit aussi de dépasser les faux clivages entre celles et ceux qui militent dans la migration et celles et ceux qui sont actifs sur la question de l’asile. S’il ne faut certes pas tout mélanger dans un melting pot rendant opaques les réalités spécifiques et la diversité des situations et des instruments juridiques à disposition de la défense, il ne faut pas non plus ignorer que les mécanismes d’oppression sont les mêmes et que les forces sociales qui les appuient sont également les mêmes. Mais il y a encore un autre dépassement à opérer, celui de l’incompréhension qui isole les luttes en faveur des migrants de celles menées en faveur des droits de toutes et tous: salarié-e-s en emploi ou en chômage, retraité-e-s, invalides, femmes, jeunes, tous les précaires et tous les «sans». Enfin, il s’agit d’abandonner résolument «l’Alleingang» de la gauche sociale qui vit enfermée dans les frontières helvétiques et si peu en relation étroite avec les luttes et les initiatives prises au niveau continental. Si nous sommes pour
l’Europe sociale, il faut participer à sa construction et elle a commencé depuis longtemps sans que nous y prenions réellement notre part. Les états généraux seront ainsi l’occasion de se relier au réseau «Migr’Europe » dont la présidente,
Claire Rodier, sera activement présente. Comprendre pour mieux résister
Le deuxième enjeu sera de s’approprier une analyse commune des mécanismes d’oppression. Une douzaine d’intervenant- e-s de Suisse,d’Allemagne et de France apporteront leur éclairage pour permettre aux participants de réacquérir une mémoire collective qui fait tant défaut dans ce pays. Ainsi, ne parle-t-on pas sans arrêt, à gauche donc, de la tradition humanitaire de la Suisse alors qu’elle n’a jamais
existé et que s’il y a une tradition de la Suisse officielle, c’est bien celle de la Police fédérale des étrangers créée en 1917 par Heinrich Rothmund pour surveiller
et contrôler les étrangers, acceptés seulement parce qu’ils sont utiles à «l’économie
»! Ce regard faussé, ce déficit de mémoire, fait de plus l’impasse sur la réelle histoire de la solidarité vécue par l’autre Suisse, celle d’en bas, précisément
celle des gueuses et des gueux d’ici et d’ailleurs. Dans la réflexion, il s’agira
aussi de mieux cerner la relation à faire entre l’immigration et le stade actuel de développement de l’économie marchande. L’immigration a toujours été liée à la fois aux inégalités sociales et aux besoins du capitalisme. Dans l’ère de la globalisation, il n’en va pas autrement et les luttes pour les migrants annoncent et accompagnent celles contre la précarité et la paupérisation. Résister avec nos
échéances Enfin, le troisième enjeu des états généraux sera celui de se donner une stratégie à moyen terme. En effet, contre les lois iniques votées hier, deux référendums vont être lancés. Ils marqueront une première opposition collective à
ces législations d’exception, liberticides, transpirant le déni de droit et une pensée en voie de fascisation. Ils sont cependant lestés de deux handicaps. Le premier est celui de mettre sur le côté de la route les migrants eux-mêmes.
Le référendum n’est ouvert en effet qu’aux électeurs et électrices suisses. Le deuxième est celui de ne pas pouvoir être efficace contre les deux lois en
question. En effet, les référendums ne gagneront pas la votation populaire, mais l’objectif, et il est décisif, est de viser le meilleur pourcentage de refus
de l’inique! Il est donc vital pour la dynamique du mouvement social de résistance de poser dès le début les référendums comme une première étape dans notre opposition résolue à ces deux législations, comme une partie d’un tout, mais non comme
une fin. C’est la raison pour laquelle les états généraux se tiennent avant le lancement des référendums afin que les campagnes référendaires – celle de la récolte
des signatures puis celle de la votation elle-même – soient placées dans une dynamique plus large, plus globale et plus durable. Dans une quinzaine d’ateliers
et une plénière, les participant- e-s aux états généraux sont donc appelés à faire oeuvre de création collective pour déterminer les grands axes d’une stratégie qui englobe les référendums et aille au-delà. Il s’agit de combattre en faisant
du temps un allié, non un adversaire, en ne suivant pas seulement les échéances du pouvoir, mais en fixant nos propres échéances. Il s’agit en définitive, en conclusion de ces premiers états généraux, de fédérer un mouvement national de résistance
capable de s’opposer à l’injuste mais aussi de proposer des alternatives, tant dans les fins que dans les moyens: un autre monde est possible!
samedi 17 décembre 2005
Aster Abate. De l'Ethiopie à Renens
Parfois, les larmes lui montent aux yeux. Mais la jeune femme se reprend vite. Battante, elle redit sa détermination, comme chaque mardi devant le Grand Conseil, quand elle rejoint la manifestation des requérants éthiopiens et érythréens. «Pourquoi est-ce que nos dossiers ne sont pas analysés? On est ici depuis si longtemps. On a étudié le français, on s’est adaptés à la culture, on a toujours travaillé et fait n’importe quel boulot. C’est injuste!» Les actes d’Aster Abate reflètent ses paroles: elle parle français parfaitement, a été femme de chambre, fille de buffet à Morges, puis aide de cuisine pendant plus de cinq ans à l’Hôpital Silvana, unité de réadaptation du CHUV à Epalinges. Tout ça avec une formation en management en Ethiopie. En septembre, la jeune femme a reçu une interdiction de travail. Depuis, elle met sa fierté en veilleuse à chaque visite à la Fareas: «C’est humiliant de retourner chercher de l’argent pour vivre. Je suis jeune, je peux bouger, je peux travailler!»
Texte de MARTINE CLERC
Lien vers la description du projet de 24heures
Lois sur l'asile et sur les étrangers: la guerre référendaire aura lieu
Dans Le Temps Valérie de Graffenried rédige également un compte rendu centré sur les référendums des milieux qui soutiennent le droit d'asile.
Extraits:
Le combat était perdu d'avance. Le vibrant plaidoyer du libéral vaudois Claude Ruey, appelant à refuser la loi sur l'asile aux côtés de la gauche, n'y a rien fait: le parlement a adopté, vendredi, en votation finale, la loi sur l'asile durcie en cours de procédure par Christoph Blocher, par 108 voix contre 69 et 12 abstentions au National...Claude Ruey a comparé le parlement à un oiseau en cage.
Un oiseau dont on réduit progressivement le volume de la volière tout en baissant la lumière et qu'on soumet peu à peu à une pollution toujours plus grande. «L'oiseau vit toujours, mais il ne chante plus et il ne s'aperçoit plus qu'il est prisonnier. J'ai un peu le sentiment que nous nous trouvons dans cette situation: l'oiseau ne s'est même plus rendu compte qu'aujourd'hui, lorsque l'on parle d'asile dans ce pays, immédiatement certains - et une grande partie - traduisent par abus». Une allusion sans doute au fait que l'écrasante majorité des radicaux et des démocrates-chrétiens a suivi la ligne dure de l'UDC, par conviction mais aussi pour des raisons stratégiques: pour ne pas laisser au parti blochérien le monopole du dossier «étrangers»...Dans le camp des conseillers nationaux bourgeois, seuls les démocrates-chrétiens Pierre Kohler (JU) et Luc Barthassat (GE), les libéraux Claude Ruey (VD) et Martine Brunschwig-Graf (GE), et le radical Yves Guisan (VD) ont voté aux côtés de la gauche contre la loi sur l'asile. Les mêmes ont voté contre la loi sur les étrangers, le libéral vaudois Serge Beck, qui a dit oui à la loi sur l'asile, en plus...
Extraits:
Le combat était perdu d'avance. Le vibrant plaidoyer du libéral vaudois Claude Ruey, appelant à refuser la loi sur l'asile aux côtés de la gauche, n'y a rien fait: le parlement a adopté, vendredi, en votation finale, la loi sur l'asile durcie en cours de procédure par Christoph Blocher, par 108 voix contre 69 et 12 abstentions au National...Claude Ruey a comparé le parlement à un oiseau en cage.
Un oiseau dont on réduit progressivement le volume de la volière tout en baissant la lumière et qu'on soumet peu à peu à une pollution toujours plus grande. «L'oiseau vit toujours, mais il ne chante plus et il ne s'aperçoit plus qu'il est prisonnier. J'ai un peu le sentiment que nous nous trouvons dans cette situation: l'oiseau ne s'est même plus rendu compte qu'aujourd'hui, lorsque l'on parle d'asile dans ce pays, immédiatement certains - et une grande partie - traduisent par abus». Une allusion sans doute au fait que l'écrasante majorité des radicaux et des démocrates-chrétiens a suivi la ligne dure de l'UDC, par conviction mais aussi pour des raisons stratégiques: pour ne pas laisser au parti blochérien le monopole du dossier «étrangers»...Dans le camp des conseillers nationaux bourgeois, seuls les démocrates-chrétiens Pierre Kohler (JU) et Luc Barthassat (GE), les libéraux Claude Ruey (VD) et Martine Brunschwig-Graf (GE), et le radical Yves Guisan (VD) ont voté aux côtés de la gauche contre la loi sur l'asile. Les mêmes ont voté contre la loi sur les étrangers, le libéral vaudois Serge Beck, qui a dit oui à la loi sur l'asile, en plus...
«La Loi sur l'asile s'est transformée en une loi contre l'asile.
Comme de bien entendu, c'est en première page du Courrier que l'on trouve l'éditorial de Didier Estoppey.
«La Loi sur l'asile s'est transformée en une loi contre l'asile.» La formule est d'Amnesty International. Elle résume à merveille le sens d'une nouvelle loi à laquelle les Chambres fédérales ont donné hier, comme prévu, et à une nette majorité, leur approbation finale. Tout comme à celle sur les étrangers, qui procède de la même logique inhumaine: Amnesty l'a parfaitement compris en annonçant hier qu'elle s'associerait aussi au référendum contre cette loi, contrairement à la coalition d'ONG engagées dans le seul référendum contre la Loi sur l'asile.
Mais si la bataille démarre en ordre légèrement dispersé au plan national, il n'en va pas de même sur le terrain. Les comités référendaires qui se sont constitués dans différents cantons combattront les deux lois à l'unisson. Car là où partis, syndicats ou associations sont en contact direct avec les personnes concernées par ces lois iniques, on a compris le lien. Une même logique unit le racisme d'une loi présentant tout requérant comme un abuseur en puissance à une autre prétendant bannir du sol helvétique tout travailleur non européen.
Il est donc temps d'organiser la riposte. Ce week-end se tiennent à Berne les premiers états généraux de l'asile et de la migration en Suisse. L'occasion de commencer à compter et fédérer les forces vives susceptibles de faire barrage à la xénophobie qui menace d'inonder notre pays. Et à organiser les communautés de migrants qui devront continuer à sortir de l'ombre dans laquelle on entend les confiner. Pour montrer que celles et ceux auxquels s'attaquent ces lois ont un visage et des souffrances. Le durcissement de nos politiques sociales est largement alimenté par la méconnaissance de la pauvreté et de ces conséquences, écrivions-nous mercredi dans ce journal. Il en va de même concernant l'indifférence dans laquelle s'écrivent les violations des droits des migrants. Qui servent de laboratoire, faut-il le rappeler, à l'exclusion de franges de plus en plus larges de la population.
Mais c'est aussi politiquement qu'il faudra élargir le cercle pour donner à ces référendums une chance de triompher. Le combat ne doit pas rester confiné aux milieux proches de la gauche. Le centre-droite, qui prétend offrir une alternative à l'UDC et vient de faire à Berne la démonstration du contraire, a encore une petite chance de se démarquer. Le PDC genevois vient d'envoyer un premier signal en soutenant le double référendum. On se pince par contre en entendant la libérale Martine Brunschwig Graf fustiger les deux lois tout en dédaignant un référendum voué selon elle à l'échec (lire notre édition du 13 décembre).
Il n'est pas l'heure de sombrer dans le fatalisme. Les arguments ne manquent pas pour montrer le caractère absurde autant qu'inhumain de ces deux lois. Celle sur l'asile est ainsi nettement plus dure, sur de nombreux points, que l'initiative de l'UDC rejetée de justesse par le peuple en 2003. Il est temps, pour la droite prétendument libérale, de se ressaisir. Et de faire entendre sa voix parmi toutes celles qui sont convaincues qu'on ne construit pas de prospérité sur l'exclusion.
«La Loi sur l'asile s'est transformée en une loi contre l'asile.» La formule est d'Amnesty International. Elle résume à merveille le sens d'une nouvelle loi à laquelle les Chambres fédérales ont donné hier, comme prévu, et à une nette majorité, leur approbation finale. Tout comme à celle sur les étrangers, qui procède de la même logique inhumaine: Amnesty l'a parfaitement compris en annonçant hier qu'elle s'associerait aussi au référendum contre cette loi, contrairement à la coalition d'ONG engagées dans le seul référendum contre la Loi sur l'asile.
Mais si la bataille démarre en ordre légèrement dispersé au plan national, il n'en va pas de même sur le terrain. Les comités référendaires qui se sont constitués dans différents cantons combattront les deux lois à l'unisson. Car là où partis, syndicats ou associations sont en contact direct avec les personnes concernées par ces lois iniques, on a compris le lien. Une même logique unit le racisme d'une loi présentant tout requérant comme un abuseur en puissance à une autre prétendant bannir du sol helvétique tout travailleur non européen.
Il est donc temps d'organiser la riposte. Ce week-end se tiennent à Berne les premiers états généraux de l'asile et de la migration en Suisse. L'occasion de commencer à compter et fédérer les forces vives susceptibles de faire barrage à la xénophobie qui menace d'inonder notre pays. Et à organiser les communautés de migrants qui devront continuer à sortir de l'ombre dans laquelle on entend les confiner. Pour montrer que celles et ceux auxquels s'attaquent ces lois ont un visage et des souffrances. Le durcissement de nos politiques sociales est largement alimenté par la méconnaissance de la pauvreté et de ces conséquences, écrivions-nous mercredi dans ce journal. Il en va de même concernant l'indifférence dans laquelle s'écrivent les violations des droits des migrants. Qui servent de laboratoire, faut-il le rappeler, à l'exclusion de franges de plus en plus larges de la population.
Mais c'est aussi politiquement qu'il faudra élargir le cercle pour donner à ces référendums une chance de triompher. Le combat ne doit pas rester confiné aux milieux proches de la gauche. Le centre-droite, qui prétend offrir une alternative à l'UDC et vient de faire à Berne la démonstration du contraire, a encore une petite chance de se démarquer. Le PDC genevois vient d'envoyer un premier signal en soutenant le double référendum. On se pince par contre en entendant la libérale Martine Brunschwig Graf fustiger les deux lois tout en dédaignant un référendum voué selon elle à l'échec (lire notre édition du 13 décembre).
Il n'est pas l'heure de sombrer dans le fatalisme. Les arguments ne manquent pas pour montrer le caractère absurde autant qu'inhumain de ces deux lois. Celle sur l'asile est ainsi nettement plus dure, sur de nombreux points, que l'initiative de l'UDC rejetée de justesse par le peuple en 2003. Il est temps, pour la droite prétendument libérale, de se ressaisir. Et de faire entendre sa voix parmi toutes celles qui sont convaincues qu'on ne construit pas de prospérité sur l'exclusion.
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